Ça parle de quoi ?
Irlande, 1985. Modeste entrepreneur dans la vente de charbon, Bill Furlong tache de maintenir à flot son entreprise, et de subvenir aux besoins de sa famille. Un jour, lors d'une livraison au couvent de la ville, il fait une découverte qui le bouleverse. Ce secret longtemps dissimulé va le confronter à son passé et au silence complice d'une communauté vivant dans la peur.

Le vent (de la révolte) se lève
Le 10 mars 2024, Cillian Murphy participait au triomphe d'Oppenheimer lors de la 96ème cérémonie des Oscars, en remportant l'une des sept récompenses (celle du Meilleur Acteur) remises au film de Christopher Nolan ce soir-là. Mais il aura fallu patienter plus d'un an avant de revoir le comédien au cinéma, et celui-ci reste dans le passé, à une époque plus proche de la nôtre et dans son Irlande natale, dont il revisite une partie (sombre) de son Histoire, après avoir fait de même dans Le Vent se lève de Ken Loach.
Devant la caméra de Tim Mielants, qui l'avait dirigé dans la saison 3 de Peaky Blinders, Cillian Murphy se confronte à l'omerta et la loi du silence qui règne dans ce village où il officie en tant qu'entrepreneur dans la vente de charbon, lorsqu'une découverte le contraint à se replonger dans ses souvenirs et affronter des secrets trop longtemps enfouis. "Si tu veux avancer dans la vie, il y a des choses qu'il vaut mieux ignorer", entend-on dans ce long métrage inspiré d'un livre de Claire Keegan (dont un autre roman avait donné le très beau The Quiet Girl) autant que de l'Histoire de l'Irlande.

Un pan dont Peter Mullan s'était déjà emparé dans The Magdalene Sisters, qui lui avait valu le Lion d'Or du Festival de Venise en 2002. L'action se déroulait pendant les années 60, à Dublin, et le réalisateur posait sa caméra au coeur de l'une de ces institutions dont Tu ne mentiras point reste majoritairement en périphérie, pour épouser le point de vue d'un habitant pour qui le couvent fait partie du décor de son quotidien. Assez pour ne pas se révolter jusqu'à cet événement qui fait basculer le récit, qui aurait gagné à être un peu moins sobre, pour nous secouer autant que son prédécesseur.
Le long métrage passé par le dernier Festival de Berlin y parvient quand même. Grâce à son acteur principal au jeu tout en intériorité. À sa manière de résonner avec notre époque, quand il est question de loi du silence, de système en place à renverser. Et à ce carton qui se présente à nous juste avant le générique de fin : "Ce film est dédié aux plus de 56 000 jeunes femmes envoyées dans les couvents de la Madeleine entre 1922 et 1998 pour 'pénitence et réhabilitation'. Ainsi qu'aux enfants qui leur ont été enlevés."
"Si tu veux avancer dans la vie, il y a des choses qu'il vaut mieux ignorer"
Car si ces institutions liée à l'église catholique étaient à destination de femmes dites "perdues" ou "aux moeurs légères", internées contre leur gré, Tu ne mentiras pas tourne autour de la question de l'avortement et des enfants illégitimes, ce qui le rend encore plus actuel à l'heure où le droit à disposer de leur corps semble plus que jamais remis en question. Le film se présente alors comme un regard sur le passé, en nous ramenant 40 ans en arrière, en même temps qu'un avertissement à ne pas reproduire les mêmes schémas.
Et c'est aussi là que le titre original (Small Things Like These, soit "Ce genre de petites choses" en VF) a valeur d'encouragement, car il montre que, à l'image de ce que Bill fait à son échelle, les plus petits actes peuvent provoquer un changement que l'on pourrait penser impossible. Raison de plus pour aller voir cet opus qui a tout pour vous révolter, dans le bon sens.