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    Michael Caton-Jones et John Hurt nous parlent de "Shooting dogs"

    A l'occasion de la sortie de "Shooting Dogs" ce 8 mars, le metteur en scène Michael Caton-Jones et son comédien John Hurt reviennent sur la genèse du film. Propos croisés...

    AlloCiné: Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur ce nouveau projet?

    John Hurt: Le réalisateur Michael Caton-Jones m'a proposé cette histoire, en me disant qu'il n'était pas sûr que ca me plairait. Ce qui fut le cas pourtant. J'avais des appréhensions au début, car c'est une grande responsabilité de travailler sur un sujet pareil. Mais d'un autre côté, si l'on vous propose un tel projet, c'est impossible de refuser, sinon vous devez vivre avec ce refus, ce qui serait trop lourd à porter ! Mes appréhensions portaient sur le côté déprimant du projet, les difficultés éventuelles que l'on allait rencontrer lors du tournage, la façon dont les Rwandais allaient se comporter par rapport à cette tragédie qui les touche directement... Alors qu'au contraire ils furent très réceptifs, et même enthousiastes à l'idée que ce film se fasse. Ces gens, tous fantastiques, pensaient que ce film devait se faire. Les survivants du massacre ont fait preuve de beaucoup de courage et d'espoir afin que le film se fasse dans la joie. Au final, le tournage ne s'est pas déroulé dans le malheur mais dans l'excitation. Et ce grâce à toutes ces personnes remarquables. Je pense que ce film est important. Je n'utilise pas souvent ce terme car je crois qu'il est employé à tort et à travers. Mais je pense ce film est important pour comprendre comment l'on peut vivre ensemble, faire face à des situations terribles et malgré tout s'en sortir la tête haute.

    Comment les Rwandais ont-ils accueilli le film ?

    Je crois qu'ils voulaient désespérément que leur histoire soir racontée, pour que cette tragédie ne se reproduise plus. C'était une raison supplémentaire pour faire ce film. Je crois que ce film ne concerne pas seulement les Africains mais tous les hommes. Il fait prendre conscience que nous avons tous quelque chose à apprendre, afin de maintenir l'espoir d'être en vie.

    Connaissiez-vous ce qui se passait à l'époque au Rwanda ?

    J'en savais autant que tout le monde, je pense. J'ai un peu honte de dire que je n'ai rien fait à l'époque. Nous recevons tellement d'informations aujourd'hui que nous en sommes gavés et que nous ne pouvons pas faire face à tout. C'est très difficile. Je suis aussi coupable que tout le monde, de fermer les yeux sur les tragédies comme celle-ci. Et elle n'est pas terminée. Le Rwanda n'est pas en guerre, mais la situation reste délicate là-bas.

    Pensez-vous, comme votre personnage, que la religion puisse sauver les âmes ?

    Mon personnage le pense. Ce n'est pas à moi de le juger. Je ne suis pas chrétien moi-même mais en tant qu'acteur qui interprète son rôle, je le comprends.

    Votre personnage est inspiré d'un prêtre bosniaque qui a réellement existé. Avez-vous fait des recherches sur lui ?

    Je n'ai pas fait de recherche du tout. Le scénario reste ma Bible. Que l'on travaille sur des faits réels ou fictionnels, pour moi, c'est pareil. Les informations supplémentaires sont superflues. Ce qui importe, c'est la rencontre entre un rôle et un acteur.

    Quel rôle votre personnage joue-t-il au milieu de cette tragédie ?

    Il se sacrifie, mais à la fin d'un long périple. Il lui faut du temps pour finalement donner sa vie. Avant, il endure ce que tous ont enduré au Rwanda. Il décide de ne pas quitter le pays, alors qu'il le pourrait. Il termine assez désespéré, et triste de voir ses illusions sur la nature humaine s'écrouler face au génocide. Et c'est pourquoi il fait ce sacrifice ultime, qui est selon lui la seule chose qu'il lui reste à faire. C'est un choix humain de donner sa vie pour les gens avec qui il vivait, et à la fois un choix de chrétien, un dernier sacrifice à sa manière à lui. Il ne peut se résoudre à quitter ses gens, il ne s'en remettrait pas, il serait incapable de continuer à vivre après. Pour lui c'est important de mourir avec ces gens.

    Le cinéma américain semble aujourd'hui devenir de plus en plus politique. Ressentez-vous cela ?

    Il y a certainement un climat, aujourd'hui, aux Etats-Unis, qui facilite le cinéma politique, et cela beaucoup plus qu'auparavant. Probablement parce que le monde moderne se rétrécit, que nous sommes de plus en plus informés de ce qui se passe chez nos voisins, et donc préoccupés par le devenir de la race humaine. L'administration de notre monde soi-disant démocratique pose aussi un problème à pas mal de personnes. Tout ceci conduit donc à un cinéma plus politique.

    Tout comme dans V pour Vendetta, dans lequel vous apparaissez...

    Naturellement, V pour Vendetta a une portée politique tout en restant un divertissement populaire. C'est un film grand public, mais qui est aussi politique. Les frères Wachowski ont aussi leur propre façon de voir et de faire les choses, et leur vision est aussi très politique quelque part, à leur manière. Ce qui est plutôt inhabituel, c'est qu'ici le personnage principal est un terroriste, et que l'Angleterre est devenu un Etat fasciste. C'est un film assez controversé adapté d'une bande dessinée, un film en forme de contestation politique.

    Propos recueillis par Mikael Gaudin Lech

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