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    Dumbo : la renaissance d'un classique Disney

    A l'occasion de la sortie en Blu-Ray du classique "Dumbo", une table ronde a été organisée par les studios Disney avec Joe Jiuliano, Sara Duran-Singer et Dave Bossert, chargés de préserver et restaurer le précieux catalogue de films du studio aux grandes oreilles. Morceaux choisis.

    Un patrimoine en péril

    Nous travaillons sur une nouvelle remastérisation de nos classiques depuis Bambi en 2003. Nous devons ce succès en grande partie grâce à l'accessibilité aux négatifs originaux en nitrate largement utilisés des années 1930 aux années 1950. Il faut savoir que l'une des raisons à cela est que le studio Disney a une longue tradition de préservation de son patrimoine, des éléments vidéos et sonores. Comme vous le savez, de très nombreuses oeuvres du début du siècle sont en grand péril et risquent de disparaître. Plusieurs éléments expliquent cette disparition. C'est d'abord la déterioration du nitrate. Jusqu'au milieu des années 1950, tous nos films et probablement la quasi totalité des films des autres studios étaient stockés sur des pellicules en nitrate qui est très inflammable. L'autre raison est appelée "syndrôme du vinaigre", et ca affecte non seulement la pellicule mais aussi les éléments sonores comme la piste son. En gros, c'est lorsque les composés chimiques fixés sur la pellicule commencent à se dégrader. Vous vous en rendez compte lorsque vous ouvrez une boîte de métal stockant un film : si une forte odeur en émane, vous avez un très gros problème. En fait, il est même généralement trop tard.

    Il y a plusieurs années, nous avons travaillé avec la Bibliothèque du Congrès américain, et leur avons envoyé tous les négatifs originaux en nitrate à notre disposition. L'une des raisons à cela et que n'avions alors pas la possibilité d'assurer les conditions suffisantes pour les préserver. Car l'une des clés de leurs conservations est de les maintenir au frais. Ils maintiennent ainsi un taux d'humidité constante là-bas, et nous informe régulièrement en cas de changement. C'est à partir de ces éléments stockés à la Bibliothèque du Congrès que avons commencé à remastérisé nos films pour les collections "Diamant" et "Platinum".

    La restauration de Dumbo

    Nous avons pratiquement passé sept mois à restaurer le film. Le négatif original est en nitrate et vieux de 70 ans; c'est donc un élément extrêmement fragile. Nous l'avons donc transporté dans un caisson réfrigéré de Virginie à Los Angeles. Tout le film a été entièrement nettoyé. Les 275 352 images composant Dumbo ont été scannées une par une. Pour chaque image, nous avons sa déclinaison dans les trois couleurs primaires. Une fois ces images scannées, elles sont mélangées avec ces trois couleurs et ensuite intégralement nettoyées numériquement. Toute la poussière, scratchs, griffures, traces de doigts et autres impuretés sont retirés. Pour vous donner une idée, le négatif original mesure plus de 5 km. Ca vous donne une petite idée de la tâche que ca représente...

    Un procédé de restauration qui change

    Lorsque Disney a commencé à éditer ses films en vidéo et DVD, les restaurations ou petites restaurations que nous faisions il y a 10, 12 ou 15 ans ne remontaient presque jamais au négatif original. Ici, nous travaillons avec la toute première source : le négatif original qui a été intégralement scanné. Nous travaillons donc à partir de fichiers numériques. C'est très important de comprendre cela, car c'est une énorme différence avec les techniques employées dans le passé. Le fait que nous soyons capable d'enregistrer ces trois couleurs primaires nous permet de travailler de manière extrêmement précise sur les nuances de la palette des couleurs du film; une chose qui n'était pas possible avant. Même dans les laboratoires de restauration, on ne pouvait pas le faire, parce qu'ils utilisaient un procédé optique et mécanique, donc le résultat n'était jamais parfait. Nous avons commencé à utiliser ce procédé avec la restauration de Bambi. Tous les scans des négatifs ont été fait à une résolution de 4K, ce qui est énorme, puis nous avons procédé au nettoyage sur une résolution en 2K.

    A l'époque, nous utilisions dans nos restaurations des copies de négatifs, des inter-positifs ou inter-négatifs; ce qui faisait que nous travaillions sur des éléments qui étaient à deux ou trois générations du négatif original. Le procédé numérique fait ressortir des choses jamais vraiment observées auparavant. Le résultat est nettement plus contrasté. Par exemple, vous vous rendez compte que vous n'avez pas de vraies indications sur ce qu'étaient les dessins préparatoires. Nous avons découvert lorsque nous avons scanné le négatif original que nous n'avions jamais vraiment vu le film auparavant, notamment le travail des couleurs telles qu'elles étaient choisies; les nuances étaient extrêmement subtiles. Donc en utilisant le négatif original, cela nous a permis en un sens de redécouvrir totalement ces films. Une idée essentielle aussi qui est celle de rester le plus fidèle possible des intentions des créateurs et ne pas trahir leurs intentions lorsque nous restaurons les films. Chez nous, c'est une chose essentielle : à chaque fois que nous avons un doute, nous en discutons longuement avant de prendre une décision. Dans le cadre de la restauration de Bambi, nous avons aussi eu la chance de travailler avec Frank Thomas et Ollie Johnston, qui avaient participé à l'élaboration du long métrage. Roy Disney fut également très impliqué.

    Le travail sur la piste sonore

    Il ne peut évidemment y avoir de bonne restauration sans s'occuper de la piste son. Le son d'origine est en mono, c'était la technologie de l'époque. Malheureusement, tout comme les images qui étaient fixées sur une pellicule en nitrate, il en va de même pour la bande-son. Dans les années 50, le studio, probablement parce qu'il n'avait pas de capacités suffisantes de stockage pour les négatifs en nitrate, transférait ces pistes sonores en nitrate sur des pistes en 35 mm, puis détruisait le nitrate original. Donc tout ce que nous avons aujourd'hui, c'est ce transfert effectué en 35 mm. Nous avons donc digitalisé ces pistes sons et, travaillant à partir de fichiers, nettoyé, supprimé les souffles, craquements et autres problèmes. En gros, il s'agit à peu près du même travail effectué sur les images. Ensuite, nous avons appliqué une technologie que nous avons développé chez Disney, baptisée "Disney Enhanced Home Theater mix", qui est capable de transformer une piste son mono en 5.1 et 7.1 pour un système Home Cinéma. Nous avons utilisé cette technique pour la première fois avec la parution du Roi Lion, puis nous n'avons cessé de l'affiner et de l'adapter en fonction des éléments à notre disposition. Pour la restauration de La Belle au bois dormant par exemple, nous avions tous les éléments originaux, ce qui nous a permis de faire une restauration exceptionnelle.

    Les différents modes de visionage

    Avec le mode "Disney View Feature" sur le Blu-ray, nous avons choisi d'offrir plusieurs modes de visionage. Dumbo a été réalisé pour un ratio d'image en 4/3; des bandes noires apparaissent de chaque côté. Nous avons donc eu l'idée de mettre à la place de part et d'autres des dessins préparatoires, comme une sorte de fond d'écran. Mais que les puristes se rassurent : il reste tout à fait possible de voir et revoir le film avec les bandes noires et en mono, ou bien changer et choisir la piste son remixée en 5.1 ou 7.1. Avec le Blu-ray, tout est possible !

    Propos recueillis par Olivier Pallaruelo

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