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    La cérémonie d'ouverture des JO décryptée !

    Danny Boyle était aux commandes de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres. En presque vingt ans depuis son premier long métrage, ce réalisateur surdoué a peaufiné son style nerveux à travers neuf films inoubliables. Focus sur un évèn

    Le réalisateur de Trainspotting, de 28 jours plus tard et de Slumdog Millionaire était aux commandes de la cérémonie d’ouvertures des Jeux Olympiques de Londres, qui a eu lieu le vendredi 27 juillet au soir. Danny Boyle a eu carte blanche pour mettre en scène le plus grand show du monde, au budget spectaculaire de 35 millions d’euros. Le même que pour son film Sunshine.

    Cette soirée époustouflante, qui rendait hommage à la culture britannique, contrastait avec l’ouverture plus austère des Jeux Olympiques de Pekin, en 2008, organisée Zhang Yimou, le réalisateur de Hero et de La Cité interdite.

    Ces réalisateurs de génie sont sollicités pour offrir au monde entier un peu de leur talent. La fameuse « Boyle Touch » a-t-elle transcendé les Jeux Olympiques ? Décryptage, en dix thématiques, du plus grand spectacle de tous les temps.

    Coup de théâtre

    Jonny Lee Miller & Benedict Cumberbatch dans Frankenstein

    Peu de gens le savent, mais Danny Boyle est un metteur en scène de théâtre avant tout ! Il a même fait un passage à la direction de la Royal Court Theatre Company en 1985. En 2011, après le succès mondial de 127 heures, il revenait à ses premières amoures en dirigeant sur les planches Benedict Cumberbatch et son vieil acteur de Trainspotting Jonny Lee Miller dans une nouvelle version de Frankenstein.

    Danny Boyle est donc tout aussi à l’aise avec un spectacle vivant qu’avec une caméra !

    Ça c’est du sport !

    Dès les premières secondes de 127 heures, son plus récent film, on avait bien cru que Danny Boyle s’était déjà attelé à la réalisation de la cérémonie des JO ! En splitscreen, plusieurs scènes de sport et de foule ouvraient le film et s’opposaient à la solitude du personnage d’Aaron Ralston.

    D’autres clins d’œil au sport sont repérables dans l'oeuvre de Boyle. Par exemple le match de foot risible qui ouvre Trainspotting, la question piège sur le cricket qui coûte presque la victoire à Jamal dans Slumdog Millionaire ou les activités fun - beach volley... plongée... - que pratique la bande de hippies dans La Plage.

    Mais entre tous, le sport que Danny Boyle aime filmer, c’est le sprint.

    Trainspotting, 28 jours plus tard, Slumdog Millionaire, 127 heures... Ses films s’ouvrent souvent par une fuite en avant, une course haletante et frénétique du héros marginal, toujours en quête d’identité .

    La cérémonie des JO s’est bien entendu ouverte sur quelques petits clips sportifs. Les premiers figurants, en costume d’époque, pratiquaient différents sports anglo-saxons dans une reconstitution de campagne anglaise.

    La campagne, ça vous gagne

    Le tableau de la campagne anglaise en introduction de la cérémonie

    C’était bien la campagne, la première star de cette cérémonie d’ouverture ! Le plateau vallonné et tapissé de gazon était même équipé de petites maisons et d’un moulin à eau.

    Après la scène de randonnée ratée de Trainspotting, on aurait pu croire que Danny Boyle détestait les paysages britanniques. Il n’en est rien : dans 28 jours plus tard, cette même campagne offre un refuge aux survivants d’une épidémie de zombies. Non seulement les héros peuvent s’y abriter, mais ses multiples ressources offrent un nouvel espoir dans un film d’anticipation où Londres n’est plus du tout fréquentable.

    London calling

    Daniel Craig, au service secret de sa majesté (la vraie !)

    Danny Boyle a toujours réservé un drôle de sort à Londres, parodiant son mode de vie dans une courte séquence de Trainspotting où tous les clichés sur la capitale anglaise étaient déballés : La City, Saint Paul, Piccadilly Circus, les Bobbies, les Pearly Kings, les bus rouges, etc. ou, comme dans 28 jours plus tard, en la révélant saccagée, dévastée, déserte, vide.

    Un clip exclusivement réalisé pour la cérémonie présente Daniel Craig en James Bond escortant la Reine Elizabeth II (pour la première fois à l’écran !) jusque dans un hélicoptère. Au sol, des Britanniques caricaturaux regardent la souveraine passer dans le ciel. Au fond, Danny Boyle tenait sûrement à nous rappeler que les sujets de Sa Majesté demeurent champions toutes catégories en autodérision !

    Danny au pays des merveilles

    Des cheminées poussent au milieu de la campagne anglaise

    Chez Boyle, l’univers est malléable. On peut se déplacer à la vitesse de la lumière ou faire pousser des maisons comme des champignons. D'un bond, Renton, dans Trainspotting, se rendait du pub jusque chez son dealer. Dans Millions, en quelques secondes, tout un quartier était érigé. Pour se permettre de jongler avec les lois de la physique et autres contraintes, Danny Boyle a souvent recours à un montage très cut.

    Ces petites tricheries ne sont pas accessibles quand on met en scène un spectacle vivant. Mais grâce aux moyens pharaoniques mis à sa disposition, Boyle s’est tout de même permis de faire sortir des cheminées de terre, sautant ainsi en un instant de l’ère rurale à la révolution industrielle !

    Roulez jeunesse !

    S’il est un cinéaste qui aime les jeunes, c’est Danny ! Tous ses films en témoignent : ses héros ont rarement plus de trente ans.

    Les enfants furent très présents dans cette spectaculaire cérémonie d’ouverture. Ceux de l’hôpital de GOSH, par exemple, l’équivalent londonien de notre Hôpital des enfants malades. Mais aussi le chœur d’enfants sourds et entendants qui a entonné le « God Save The Queen » !

    Hommage également à la culture enfantine, avec la littérature, d’Alice au pays des merveilles à Harry Potter. Mais Danny Boyle a tenu à intégrer aussi à sa mise en scène les réseaux sociaux, les SMS et toute la culture de la communication jeune. Textos, tweets et avatars s'affichaient sur les écrans, échangés par les figurants teenagers, d'autant plus frénétiques qu'était lancée la séquence retraçant l’histoire de la musique anglaise.

    La BO des JO

    Danny Boyle en compagnie du groupe Underworld

    On a tous chez soi la bande originale d’un film de Danny Boyle.

    Toujours branché, toujours avec une longueur d’avance, Danny Boyle est un mélomane inconditionnel qui fait mouche dès il s’agit d’allier image et musique. C’est lui qui nous a fait découvrir le groupe Underworld, ou le génie A.R. Rahman, oscarisé pour avoir signé la musique de Slumdog Millionaire. Trainspotting regorgeait de tant de musiques enthousiasmantes qu'un disque n'a pas suffi à commercialiser la bande originale. Il en a fallu deux différents.

    L’ouverture des JO de Londres était l'occasion unique de s’offrir une musique quatre étoiles. Qui peut se vanter d’avoir profité, pour sa mise en scène, des artistes suivants (entre autres) :

    Vangelis interprété par le London Symphony Orchestra, OMD, Charles Chaplin, les Who, les Rolling Stones, les Kinks, les Beatles, David Bowie, Eric Clapton, Queen, les Pink Floyds, Madness, les Sex Pistols, New Order, Frankie Goes To Hollywood, Eurythmics, Prodigy, Underworld, Blur, Amy Winehouse, Muse...

    La dernière chorégraphie s’est ouverte sur une musique de John Murphy composée pour 28 jours plus tard, puis s’est poursuivie sur le célèbre chant “Abide With Me”, souvent entonné par les supporters de foot mais présente également dans la BO du même film !

    Les toiles de Danny

    Rowan Atkinson accompagne le London Symphony Orchestra

    Danny Boyle est un cinéaste cinéphile. Son film préféré ? Apocalypse Now. Il s’y réfère à plusieurs reprises dans La Plage. Peu de gens connaissent le cinéma comme lui. Et pour célébrer la culture britannique, impossible de ne pas évoquer la cinématographie du pays.

    C’était le moment! Danny Boyle en a profité pour tirer son chapeau à tous ses metteurs en scènes favoris. Sur les écrans qui complétaient le spectacle défilaient les plus beaux moments du cinéma britannique :

    Les Chariots de feu de Hugh Hudson

    Kes de Ken Loach

    Full Monty / Le Grand jeu de Peter Cattaneo

    Quatre mariages et un enterrement de Mike Newell

    Et même Gorgeous Girl, du cinéaste oublié Bill Forsyth, qui a beaucoup influencé Danny Boyle dans son travail !

    Par-dessus le marché, James Bond (Daniel Craig, le vrai !) est venu faire un petit tour par la cérémonie. Comme Mr Bean (Rowan Atkinson), qui s’est même payé le luxe d’accompagner le London Symphony Orchestra !

    Les séries TV n’ont pas été boudées, puisque les acteurs de East Enders (un genre de Plus belle la vie anglais diffusé depuis vingt-sept ans !) étaient là.

    Où est Danny ?

    Kenneth Branagh déclame du Shakespeare

    Il faut bien se faire plaisir. Finalement, le grand absent de la cérémonie, ce fut Danny Boyle ! Il s’est donc fait quelques menus cadeaux. La musique qui accompagnait le défilé des athlètes, par exemple, était en grande partie signée Underworld. Ce groupe d’électro britannique est très lié au réalisateur puisque leurs morceaux apparaissent dans les films Trainspotting, La Plage et Sunshine.

    Kenneth Branagh, venu déclamer quelques vers de « La Tempête » de Shakespeare, est également une vieille connaissance de Danny Boyle, qui l’avait dirigé dans le téléfilm Alien Love Triangle.

    Puis, au son du fameux morceau « Born Slippy » qui clôturait Trainspotting, l’image du tout jeune Ewan McGregor cavalant dans les rues d’Edimbourg est apparue sur les écrans. Le British Film Institute n'a-t-il classé Trainspotting dans les 10 meilleurs film britanniques de tous les temps !

    Et enfin... il fallait avoir l'oreille fine pour entendre, dans la célèbre chanson irlandaise, au lieu du refrain "Oh Danny boy, I love you so", cette déclaration "Oh Danny Boyle... we love you so!"

    On rame, mais avec la pêche !

    Qui dit culture anglaise dit culture sociale. Le cinéma de Danny Boyle en témoigne (Petits meurtres entre amis, Trainspotting, Millions). La cérémonie d’ouverture des JO de Londres aussi, avec l’accent mis sur les progrès sociaux qui ont fait la fierté du Royaume-Uni : les combats des suffragettes, des mineurs, le NHS (National Health Service), les infirmières de l’hôpital GOSH (dont trois vraies infirmières et neuf petits patients !)... Ces thèmes, parfois abordés sur un ton grave, s’offrent comme toujours chez Danny Boyle une mise en scène tirée au cordeau, avec des costumes fluos, de la musique punk, juste ce qu'il faut d’autodérision et le souffle épique de la compétition, guidé par la lumière de la flamme Olympique.

    Ce qui fait la griffe de Boyle, c’est cette énergie dans l’effort, dans la souffrance, dans la difficulté. A l’image de ces sportifs au destin merveilleux, sublimés par la motivation du sport, les personnages de Danny Boyle sont toujours des jeunes hommes mis au ban de la société, inadaptés, irrécupérables, jamais à leur place, qui savent puiser dans leur mal-être une énergie surhumaine pour s’accomplir.

    En 2008, en clôture des Jeux Olympiques de Pekin, les Anglais défilèrent avec leurs parapluies et un bus londonien. Une décontraction qui laissait présager le meilleur pour la prochaine édition de la plus grande compétition sportive mondiale. Et ça n’a pas manqué : la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2012 a ébloui plus d’un milliard de téléspectateurs dans le monde entier ! Une cérémonie sans faute qui porte la marque de son auteur.

    Nous aussi, Danny Boyle, we love you so !

    Gauthier Jurgensen

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