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    Panier de la rédac' : Quand David Simon arpentait les rues sanglantes de "Baltimore"

    Depuis le 27 septembre, un ouvrage emblématique est disponible en français dans nos librairies : "Baltimore". Signé de la plume de David Simon, futur créateur de "The Wire", cet ouvrage, publié aux Éditions Sonatine et paru dans les années 90 aux États-Unis, a inspiré par la suite la série "Homicide". Une véritable plongée dans le quotidien des inspecteurs de la Brigade Criminelle de Baltimore, inspecteurs que David Simon a suivi durant une année. Plus vrai que nature, un polar tissé de vérités.

    Chez David Simon, tout est connecté. Et les premiers maillons de son univers, c'est bien au travers de son ouvrage d'investigation Baltimore qu'ils se sont d'abord tissés. Pour la première fois depuis sa parution en 1991 aux Etats-Unis, ce livre remarquable - dont le titre original est Homicide: A Year on the Killing Streets - vient d'être traduit en français. Sorti le 27 septembre dernier aux Editions Sonatine, cet ouvrage de plus de 900 pages marque la première incursion de David Simon en dehors des pages du quotidien le Baltimore Sun. Il marque aussi son entrée vers la télévision puisqu'après la publication de Baltimore, une série télé, la bien-nommée Homicide: Life on the Street, s'en inspirera. Cette série, lancée en sur NBC, durera le temps de sept saisons et permettra à David Simon de mettre le pied dans la machine télévisuelle. Le début d'un changement de carrière qui se déclenchera véritablement avec la parution de son second livre, The Corner, co-écrit avec Ed Burns. Les deux hommes, le journaliste et le détective, l'adapteront ensuite eux-mêmes pour le petit écran. Pour Simon, c'est le début d'une longue collaboration avec HBO qui commence alors et qui mènera aux créations de The Wire, Generation Kill et Treme...

    Mais à l'époque de Baltimore, David Simon n'est pas encore la référence qu'il est devenu aujourd'hui. Journaliste depuis plusieurs années au sein de la rédaction du Baltimore Sun, il décide à la fin des années 80 de prendre un congé sans solde afin d'écrire son premier livre. En janvier 1988, il rejoint donc pendant un an la Brigade Criminelle de Baltimore, en la qualité improbable de "stagiaire de la police". Il est alors le tout premier auteur à gagner un tel accès à une unité de police criminelle. Durant 12 mois, il écoute, observe et prend des notes à n'en plus finir, à l'affut du moindre petit moment, suivant au quotidien les enquêtes et la vie des 19 inspecteurs du lieutenant D'addario. En immersion dans la brigade, en fil tendu, il apprend les ficelles du métier, les règles d'or, les affaires impossibles à résoudre, ce qui peut aider une enquête ("Du point de vue d'un inspecteur, aucune configuration ne vaut un corps dans une maison"), l'impact moindre du laboratoire dans la résolution des enquêtes, les horaires impossibles à tenir, l'irrésistible ambiance de la Brigade et il assiste à des scènes d'anthologies. Des détails, des personnalités et des évènements qui seront par la suite repris par Homicide alors que d'autres moments, blagues, dialogues et autres noms se retrouveront dans The Wire.

    Andre Braugher dans 'Homicide' - L'acteur incarnait Frank Pembleton,

    inspiration directe du véritable détective Harry Edgerton. © NBC

    A la manière d'un journal de bord - dans lequel Simon n'intervient jamais - le livre propose une narration chronologique, égrenant le temps qui s'écoule à la Brigade. Au coeur de l'ouvrage, le meurtre de la petite Latonya Wallace est l'affaire la plus prenante, celle dont on tient absolument à connaître le fin mot et dont le nom va courir tout du long. On n'oublie pas non plus l'affaire Monroe Street, le tragique sort de Gene Cassidy et l'affaire de la Veuve Noire. Mais, dans Baltimore, si l'on s'intéresse aux affaires c'est également parce qu'elles nous permettent de retrouver les détectives qui, tout au long du livre, s'échangent, passent, disparaissent, sont évoqués puis réapparaissent. Tom Pellegrini, Harry Edgerton, Jay Landsman (les fans de The Wire reconnaitront le nom), McLarney, Garvey, Worden... Tous deviennent des personnages auxquels on s'attache, Simon réussissant à faire passer leurs tracas, leurs doutes, leur humour jusqu'à nous faire saisir plus qu'un personnage, une véritable personne. "Lentement, méthodiquement, Pellegrini parvint à maîtriser de plus en plus d'aspects du boulot, et se mit à boucler une saine majorité des affaires qui lui revenaient. Son succès, il s'en aperçut, ne comptait que pour lui (...) A la fin, Pellegrini dut accepter que cette victoire, il allait devoir la fêter tout seul. Il pensait que c'était une victoire, au moins jusqu'à ce qu'on retrouve Latonya Wallace morte dans cette ruelle. Pour la première fois depuis longtemps, Pellegrini commença à remettre ses compétences en question".

    Delaney Williams campe Jay Landsman ('The Wire'). Landsman a également été une source d'inspiration pour l'un des personnages de 'Homicide', John Munch (Richard Belzer). Il est même apparu dans 'The Corner' et 'The Wire'. © HBO

    Véritable document d'investigation journalistique, Baltimore possède clairement tous les atouts du polar. Un réel suspense et une grande intensité dramatique se créent au fil des pages. Les faits sont réels, les noms sont réels, les morts sont réelles, les dialogues ont eu lieu et les détectives nous sont précisément dépeints. Ajusté à une narration prenante, ce réalisme donne au livre une force considérable. Qui a tué ? Comment ? Quels indices et quel témoignage vont donner une fin à l'enquête ? Toutes ces questions, on se les pose à la lecture de Baltimore, labyrinthe d'informations et de créativité. Dans sa préface au livre, l'auteur Richard Price dit d'ailleurs très justement : "Même avec la liberté créative de la fiction, son oeuvre demeure une exaltation de la nuance".

    Raphaëlle Raux-Moreau

    Baltimore - Sonatine Editions - 23 Euros

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