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    Florent Emilio Siri nous parle du remake de "La Balance" !

    AlloCiné a rencontré le réalisateur Florent Emilio Siri lors du dernier Festival de Beaune. Le metteur en scène de "L’Ennemi Intime" et "Cloclo" nous parle de ses choix, de sa brève carrière aux États-Unis et de son prochain film : le remake de "La Balance".

    Allociné : Vous êtes un réalisateur très éclectique, de "Nid de guêpes" à "Cloclo" en passant par "L’Ennemi intime", vous avez mis en scène différents genres de films. Parmi tous ces films, lequel vous a apporté le plus de satisfaction ?

    Florent Emilio Siri : Quand je réalise un film ce qui m’intéresse c’est le point de vue de l’humain plus que l’histoire. Ce qui m’intéresse dans un film, c’est le matériel humain, ce sont les contradictions, que ce soit dans L'Ennemi intime : Comment vous, moi, on peut plonger dans la guerre et se transformer ? Parce que c’est ce qui se passe… C’est la nature humaine qui m’intéresse.

    Pour Cloclo c’est la même chose. Honnêtement je n’aurais jamais pensé faire un film sur Claude François un jour. Si on m’avait dit ça il y a une dizaine d’années, et même il y a 3 ans, je n’y aurais pas cru. Mais c’est en m’intéressant à lui et à cette face cachée que je me suis dit "Il y a un personnage incroyable de cinéma !". C’est un film sur le destin, sur la manière dont on vit avec nos cicatrices, sur comment on vit quand on a un père qui n’a pas reconnu notre talent, comment on grandit avec ça, comment on se perd,… Ça m’a vraiment intéressé, et puis je ne voulais pas idéaliser Claude François. Je regarde toujours les gens comme ils sont, que ce soit des gens connus ou non… C’est un film différent de ce que j’ai pu faire jusqu’ici, mais j’aime le cinéma de A à Z, d’Antonioni à Zinnemann. Ce qui m’intéresse, c’est d’explorer le cinéma et de ne pas faire toujours le même film. Même si quelque part je fais toujours un peu le même film puisque mes films sont de moi et que je me raconte à travers ceux-ci, c’est ma sensibilité.

    Bruce Willis dans Otage - © Metropolitan FilmExport

    J’ai déjà fait un peu deux fois le même film entre guillemets… Nid de guêpes est un film d’action, Otage est un thriller, mais quand les américains m’ont appelé, ils voulaient que je refasse la même chose. Sur le coup j’ai accepté. Mais une des raisons pour laquelle je ne travaille plus aux Etats-Unis, c’est qu’ils vous voient pour ce qu’ils ont l’impression que vous savez faire. D’où leur expression "inside the box". S’ils pensent que vous savez faire une chose ils ne vous engagent que pour faire ça. C’est une sorte de travail à la chaîne. Et c’est un peu soulant. Si je suis amené à y travailler de nouveau plus tard ce sera pour des projets personnels et quand j’en aurais envie. On le voit d’ailleurs avec beaucoup de réalisateurs américains qui se retrouvent cantonnés dans un genre. Et c’est dommage parce que, au bout d’un moment, le marché du film américain s’épuise. Quand il y a trop de films d’horreur par exemple, au bout d’un moment ça emmerde tout le monde, c’est cyclique le cinéma. Et je n’aime pas ce côté restreint.

    Je trouve qu’on a beaucoup de chance en France parce qu’on a une liberté, même si on a la contrainte du petit marché, qui fait que quand il y a un film dans un genre qui ne fonctionne pas, il y en a pour 10 ans. J’ai vécu cette situation plusieurs fois, mais je suis patient et je sais qu’un jour je pourrais revenir avec un projet que j’ai laissé de côté il y a quelques années.

    Justement en parlant de projet, vous allez mettre en scène le remake de "La Balance" de Bob Swaim. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser ce remake ?

    Thomas Langmann m’a proposé plusieurs films, dont le remake de La Balance. J’ai revu l’original, je trouve qu’il est très intéressant, mais tout de même très années 80. Il a mal vieilli hélas, comme beaucoup de films de cette époque d’ailleurs. Bizarrement je trouve que les films des années 80 font plus vieux que les films des années 70.

    Et puis Cédric Anger avait déjà écrit une formidable version du scénario, ça fait longtemps que je cherchais à mettre en scène un polar différent de ce qu’on a déjà vu jusqu’à maintenant. C’est un polar très noir, mais en même temps qui se situe du point de vue de l’humain. Dans le film, on voit vraiment cet engrenage, cette spirale infernale. C’est une sorte de siphon qui vous aspire et vous tournez, vous tournez sans savoir quand vous allez tomber dans le trou. C’est ce qui m’intéresse dans les polars. C’est un peu comme les personnages dans les films de Melville qui sont perdus d’avance, on sait que ça va avoir lieu, mais on ne sait pas quand. On joue avec le spectateur.

    Et puis je suis amoureux de la ville de Marseille ! Avant de faire des films je réalisais des clips pour le groupe I am et j’allais souvent à Marseille. J’adore cette ville. De ce fait, on a situé toute l’action à Marseille, on raconte ce qui se passe aujourd’hui dans les quartiers nord. On fait un polar sur ce qui se passe sur les trafics de drogues, les rapports avec la police, avec les voyous,…

    C’est une situation complétement différente de ce qui se passait dans les années 80. J’ai vu beaucoup de monde pour écrire le film avec Cédric Anger, j’ai rencontré les nouveaux parrains de Marseille, j’ai vu les plus gros flics, je sais ce qui se passe. Ils ont tous été très coopératifs. Il y a plein de choses dans le film qu’on n’a jamais vu auparavant au cinéma et qu’on n’imagine même pas. On va apprendre et comprendre pourquoi il y a cette situation de violence dans les quartiers nord et pourquoi ça se situe à Marseille…

    Ce qui était intéressant dans l’original, c’est l’engrenage. Il y a la trajectoire du policier et la trajectoire d’un ancien voyou qui reprend du service pour aider le flic qui veut la peau d’un mafieux. On a gardé cette idée, mais dans la nouvelle version il y a 4 trajectoires au lieu de 2, on est dans le milieu de la drogue, on n’est pas à Belleville mais à Marseille, et j’ai essayé de tracer cette frontière qu’il y a entre les voyous et les policiers, et qui est de plus en plus fine. On l’a vu récemment avec l’affaire Neyret ou avec la BAC nord, qui prenait sa dîme sur le trafic de drogue. Cette frontière est de plus en plus floue et c’est difficile de ne pas basculer quand on est policier et qu’on touche 2000-2500 euros - je ne sais pas trop combien ils gagnent – et qu’on voit des gamins qui gagnent 10 000 euros en faisant le guetteur.

    C’est un film en entonnoir avec des trajectoires croisées, c'est-à-dire qu’on a un policier qui commence en pleine splendeur et qui va peu à peu tomber. Tout à coup la frontière devient très floue entre son métier et les voyous, parce que ce policier est une espèce de Neyret dans l’histoire. Ce flic, veut la peau d’un mafieux parce qu’il est obsédé par lui - c’est la même chose que dans l’original - le flic perd son indic’, qui était également son meilleur ami, il veut donc le venger et pour ça il lui faut une nouvelle balance.

    Et puis il y a la trajectoire du voyou. C’est un mec qui vit tranquillement avec sa fiancée, qui est escort-girl, il est un peu toxico. Tout ce qu’ils veulent c’est être tranquilles. Le policier va mettre la main sur cet ancien voyou et en faire sa balance. Mais quand on demande à un ancien voyou de redevenir voyou et qu’on lui donne les moyens ; ça va devenir un très gros voyou. Et c’est à ce moment que ça va devenir une spirale infernale. Il y a également 2 femmes, une femme flic et l’escort-girl. C’est l’histoire de ces 4 personnages dont les trajectoires s’entrecroisent et à ce niveau-là c’est très différent de l’original.

    En fait on a gardé l’histoire de base - une balance qui est tuée et on doit en trouver une autre - mais sinon on a tout changé et surtout, on a fait de Marseille un personnage. C’est d’ailleurs le personnage principal.

    En parlant de personnage, vous avez une idée du casting ? Il y aura Benoît Magimel j’imagine…

    Nous n’avons pas encore d’idées précises, mais Benoît sera sans doute présent, enfin je l’espère. Après c’est un projet qui a été initié par Thomas Langmann donc il y a des discussions, mais pour l’instant c’est encore très récent, j’ai rendu le scénario au début du mois d’avril. Thomas a lu une version qu’il trouve formidable, on a encore un petit polish à faire et ça va partir chez les acteurs. L’idée - après tout dépend du financement - mais c’est de tourner cet automne.

    Après ce film j’aimerai mettre en scène un projet qui me tient à cœur c’est l’histoire de la Bande à Bonnot.

    La bande-annonce du dernier film de Florent Emilio Siri : "Cloclo"

    Cloclo

    Propos recueillis le 4 avril 2013 à Beaune par Laëtitia Forhan

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