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    Saga "Mylène Farmer fait son cinéma", 2ème partie : l'échec du film "Giorgino" et les rendez-vous manqués

    La chanteuse culte Mylène Farmer vient d'entamer une nouvelle série de concerts à Paris Bercy, qui sera suivie d'une tournée en province intitulée "Timeless". L'occasion de revenir sur les 30 ans de carrière de la star, de ses audaces visuelles à ses rendez-vous manqués avec le cinéma en passant par ses influences, ses collaborations et ceux qu'elle a elle-même inspirés. La deuxième partie de cette saga en 3 volets est consacrée au film "Giorgino" et divers projets avortés...

    Lire la première partie de notre saga : "La papesse du clip"

    ©Pathé / Laurent Boutonnat

    "Giorgino", son premier (et dernier ?) film

    L'avant prometteur...

    Après avoir exploré l'univers du clip à travers ceux de Libertine, Pourvu qu'elles soient douces ou Désenchantée, de véritables courts-métrages franchissant les frontières de ce qu'il était imaginable de faire à l'époque, Laurent Boutonnat s'est attelé à son deuxième long-métrage, Giorgino, une super-production française dont il avait écrit la toute première version du scénario dix ans plus tôt, à l'âge de 20 ans. Grâce à la précieuse aide de Gilles Laurent, connu pour être le co-scénariste de Bernie, il a pu aboutir à la version finale au début des années 90. Il confie tout naturellement le rôle principal de la femme-enfant psychotique Catherine de Grâce à Mylène Farmer.

    La distribution comprend également Jean-Pierre Aumont et Albert Dupontel. C'est avec un budget conséquent de 80 millions de francs (financé à 80% par le réalisateur lui-même) que la construction des décors débute en septembre 1992, puis que le tournage en langue anglaise commence en janvier 1993, pendant 4 mois, au milieu des plaines enneigées de République Tchèque. Les conditions climatiques extrêmes compliquent considérablement la mise en boîte de certaines séquences (la température tombe parfois jusqu'à -30°C), mais le perfectionnisme du réalisateur aussi, de l'aveu même de la chanteuse : "

    ©Pathé / Laurent Boutonnat

    Synopsis et influences

    1918. Blessé, le jeune docteur Giorgio Volli (Jeff Dahlgren) est rendu à la vie civile et part aussitôt retrouver le groupe d'enfants dont il s'occupait avant la guerre. Il arrive dans une région perdue aux habitants hostiles et ne trouve qu'un vieil orphelinat vide : les enfants ont disparu dans des conditions mystérieuses. Terrifié et anéanti par ce qu'il apprend, Giorgio fait alors la rencontre de Catherine, une étrange jeune fille dont il s'éprend... Comme pour ses clips, Laurent Boutonnat s'inspire de réalisateurs qu'il admire. On sent tout particulièrement l'influence de David Lean et son mythique Docteur Jivago. L'atmopshère n'est pas sans rappeler celle des Hauts de Hurlevent.

    L'après désastreux...

    Près d'un an  est nécessaire pour arriver au montage définitif du film. La tâche n'était d'ailleurs pas simple : des dix heures de film obtenues après le tournage,  Laurent Boutonnat voulait en conserver quatre ! Mais le distributeur, Pathé, lui a demandé de le réduire d'une heure pour pouvoir le commercialiser. Finalement, Giorgino est visible sur les écrans avec une durée de... 2h57 (officiellement, car il dure en réalité 03h03). Un choix artistique qui n'a certainement pas été étranger au flop qui a suivi ! Après une forte campagne promotionnelle dans les médias (Mylène Farmer sortant pour l'occasion de sa réserve habituelle au cours d'une demi-douzaine d'interviews), le (très) long-métrage sort en salles le 5 octobre 1994, avec une interdiction aux moins de 12 ans, et ne reste à l'affiche que 4 semaines. Il ne totalise que 69 000 misérables entrées au box-office ! Un résultat on ne peut plus décevant compte tenu du budget alloué.

    La presse n'a pas été tendre avec Giorgino, en particulier Les Cahiers du cinéma qui ont écrit par exemple : "Il faut au spectateur un certain courage pour affronter les trois heures que dure le film et connaître le dénouement de cette histoire amphigourique". Lors de la projection de presse, la salle est bondée mais l'accueil décrit comme glacial. Cet échec retentissant est très mal vécu par Laurent Boutonnat, qui rachète de tristesse et de colère les droits du film pour empêcher toute diffusion à la télévision (en dehors de Canal +). Ce n'est que 12 ans plus tard que le réalisateur sort un troisième long-métrage, Jacquou Le Croquant. Les bons scores réalisés par le film l'encouragent à sortir Giorgino quelques mois plus tard en DVD. Une façon de se libérer enfin de ce poids si lourd. Mylène Farmer, quant à elle, n'a pas renoué à ce jour avec le cinéma, malgré de nombreux projets détaillés ci-dessous...

    Découvrez ci-dessous les 5 premières minutes du film :

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    Le saviez-vous ?

    - La véritable première apparition de Mylène Farmer au cinéma n'est pas dans Giorgino mais dans Le Dernier Combat de Luc Besson, sorti en 1982. Elle y est figurante et prête ses jambes ravissantes au cinéaste le temps de quelques secondes. Le début d'une longue amitié et de plusieurs collaborations.

    - En 1989, Nicole Garcia est à la recherche d'une actrice pour jouer dans son premier long-métrage en tant que réalisatrice, Un week-end sur deux. Mylène Farmer se voit proposer le premier rôle, mais le refuse car elle est en pleine préparation de sa première tournée : "C'est vrai que j'ai rencontré Nicole Garcia. J'ai vraiment souhaité la rencontrer. J'avais ce projet de scène donc il a fallu choisir" indique-t-elle à Laurent Boyer dans l'émission Pour Un clip avec toi. C'est finalement Nathalie Baye qui est choisie. Elle est nommée pour le César de la Meilleure Actrice. Dans le même programme, la chanteuse avoue "J'ai l'impression que le cinéma français, en tout cas celui d'aujourd'hui me touche moins qu'un autre cinéma, le cinéma russe, le cinéma américain parfois, le cinéma anglais."

    - En 2002, l'écrivain Marc Lévy, qui est alors le compagnon de la chanteuse, annonce qu'il a écrit son premier scénario pour le cinéma dans lequel elle est censée jouer. A deux pas de chez toi doit entrer en tournage en 2004, le temps de réunir les fonds nécessaires et une distribution. L'histoire est centrée sur la relation entre un vieux monsieur et son infirmière. Pour le premier rôle masculin, les noms de Jean Rochefort et Michel Serrault circulent. Mylène rencontre le premier à cette occasion et déclare en 2010 à Paris Match qu'il est "un acteur unique, un homme d'une classe folle, un charme renversant. Je suis sensible à sa grande délicatesse, c'est un être totalement décalé, si émouvant aussi. Bref...magnifique." Malheureusement, le film ne se fait pas.

    - Les Césars ne sont décidément pas passés loin de Mylène Farmer. En 2006, Jacques Audiard recevait celui du Meilleur Film pour De battre mon coeur s'est arrêté. Avant le tournage, il avait offert un rôle à la chanteuse. Mais elle n'était pas disponible, elle préparait à cette époque son nouvel album "Avant que l'ombre...", ainsi que les concerts "intransportables" qui lui ont fait suite. En 2010, le magazine Serge annonçait une interview croisée du réalisateur et de Mylène Farmer. Cela ne s'est pas fait non plus...

    - Lorsqu'un projet d'adaptation au cinéma du roman de Salman Rushdie La Terre sous les pieds (2011), est développé, le romancier, que la chanteuse admire beaucoup, lui propose de participer à la bande-originale. Mais le film ne voit jamais le jour.

    - Depuis 2006, Mylène Farmer est annoncée dans le film L'Ombre des autres, adapté du roman éponyme de Nathalie Rheims, qui est sa meilleure amie dans la vie. Elle y jouerait le rôle de Tess, une chercheuse en médecine de la fin du 19ème siècle, emportée dans le monde de la magie et du spiritisme. Le scénario a été écrit par Claude Berri, mais son décès en janvier 2009 a retardé le projet. La réalisation a été confiée à Bruno Aveillan, avec qui la star a déjà travaillé sur The Farmer Project, et la production à Stéphane Celerier de Mars Distribution. Le film devait entrer en tournage en 2009, après la tournée des stades de la chanteuse, mais cela ne s'est pas fait. L'auteure a déclaré sur son blog : "Il s’agit d’un film de genre, ce qui n’est pas aisé en France et c’est la raison pour laquelle nous nous orientons vers une distribution anglo-saxonne. Le cinéma est un art qui implique beaucoup de moyens et des partenaires qui accompagnent le montage financier, mais nous travaillons de toutes nos forces avec l’espoir que le film verra le jour dans les deux ans qui viennent." Nous sommes en 2013, les deux ans sont passés. Le film n'a toujours pas vu le jour. La malédiction qui entoure Mylène Farmer et le cinéma va-t-elle encore frapper ?

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    Mylène Farmer, la cinéphile

    Le cinéma, Mylène Farmer semble l'espérer, l'attendre, le fuir même parfois, mais elle l'aime... Outre ses amitiés avec ceux qui le font, comme Vincent Lindon, Régis Wargnier, George Clooney ou encore le grand David Lynch, elle cite plusieurs films dans les paroles des chansons qu'elle écrit.

    En 1991, Agnus Dei qui ouvre son album L'Autre... est de l'aveu même de la star inspiré des Diables de Ken Russell, un pamphlet contre l'intolérance religieuse qui se déroule sous l'Inquisition. Violent et érotique. Tout à fait dans l'esprit de son univers. Sur le même opus, on entend dans l'inquiétant Psychiatric la célèbre phrase d'Elephant Man : "I'm a human being. I'm not an animal !". Dans L'amour naissant en 1999, elle chante "L'océan a froid. Ma vie comme La Fille de Ryan. Vois." Cet incontournable de David Lean sorti en 1970 (et dans une version restaurée en 2013) semble même avoir inspiré l'ensemble du morceau avec des sons et des instruments qui rappellent l'Irlande, lieu des errances de l'héroïne du film romantique.

    En 1999, Effets secondaires, ou la nuit sans sommeil, cauchemardesque même, d'une Mylène Farmer angoissée, agitée, droguée aux médicaments, évoque la figure mythique de l'horreur, Freddy Krueger : "Tous les effets secondaires maudits. Tous les méfaits de Krueger sont la nuit." Dans Elle a dit, chanson extraite de son dernier album Monkey Me, elle cite L'Incompris de l'italien Luigi Comencini : "Assise sur son lit. Elle regarde l'Incompris. Mais elle n'en a plus rien à faire." Au delà de cette référence, les paroles semblent directement inspirées du Bleu est une couleur chaude, la bande-dessinée de Julie Maroh qui a été adaptée au cinéma sous le titre La Vie d'Adèle, sur le point de sortir en salles, récompensé par la Palme d'Or au dernier Festival de Cannes.

    A noter enfin qu'en 2008, le titre de son album Point de Suture est directement inspiré d'une réplique d'Al Pacino dans le film L'Impasse : "Tous les points de suture du monde ne pourront me recoudre". Une citation qu'elle met en exergue dans le livret de l'album, en confessant en interview : "C'est aussi ce que je ressens".

    Lire la première partie de notre saga : "La papesse du clip"

    >> Rendez-vous dimanche prochain pour la 3ème et dernière partie de notre saga >>

    Jean-Maxime Renault

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