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    Je ne suis pas un salaud : rencontre avec Nicolas Duvauchelle, Mélanie Thierry et Emmanuel Finkiel
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Primé au Festival du film francophone, Je ne suis pas un salaud d'Emmanuel Finkiel arrive sur les écrans ce mercredi. Un film sombre et anxiogène, dans lequel Nicolas Duvauchelle et Mélanie Thierry impressionnent. Rencontre avec l'équipe du film.

    AlloCiné : Comment expliqueriez-vous le choix de ce titre ?

    Emmanuel Finkiel, réalisateur et scénariste : J’avais pris le mot salaud plutôt dans l’acceptation qu’en avait fait Sartre, quand il en donnait la définition, plus ou moins, suivante : un type qui joue à être ce qu’il n’est pas et qui fait semblant de ne pas s’en rendre compte.

    Ca a quelque chose à voir avec la mauvaise foi intérieure : on fait les choses, on est sûr d’être de bonne foi, mais on se cache à soi-même quelque chose que l’on sait, donc c’était ça le salaud.

    L’autre chose que je dirais, c’est qu’on assiste pendant tout le film aux actions et aux pensées d’un personnage dont on voit qu’il est en train de se tromper, dont on ne sait pas s’il ment ou il ne ment pas, s’il est de bonne foi ou de mauvaise foi... A tout moment, je trouvais ça pas mal que le spectateur ait ce titre dans la tête. Car, au fond, on tourne autour du pot. On voit un personnage qui petit à petit devient un salaud en quelque sorte.

    Bestimage

    Ce personnage principal, comment le décririez-vous ? Un personnage en marge ? Il est difficile de le décrire.

    C’est un personnage un peu en marge. Il ne travaille pas, il est au chômage. Il vit loin de sa famille. Sans doute, il y a eu rupture. Et on comprend pourquoi : il boit et il ne semble pas facile.

    Mais très vite, on se rend compte que c’est un type qui souffre, qui n’est pas bien dans ses pompes comme on dit. C’est vraiment à ce niveau-là que j’ai essayé de faire les choses, quasi symboliquement quand vous êtes au niveau existentiel. C’est un type qui voudrait être ce qu’il n’est pas, qui n’y arrive pas.

    Sans ça, c’est un type qui a des ambitions qui ne semblent pas très glorieuses, mais je vous signalerai que c’est le lot de pas mal d’entre nous. Et justement, c’est un type dont le spectateur peut voir accumuler les défauts tout au long du film. Mais je dois bien dire que, chacun de nous ne dénoncerait peut être pas quelqu’un dont il n’est pas sûr –parce que c’est ça le problème-, sa mauvaise foi est plutôt sur son assurance. Il entérine son témoignage pour finalement apparaitre comme quelqu’un de sûr. On est sur cette fibre-là.Je suis quasi persuadé qu’au-delà des choses socio-culturelles qui nous déterminent, c’est ça qui nous fait agir.

    J'avoue qu'évidemment j'ai été très marqué -même si tout cela n'a rien à voir- par le roman de Camus, L'Etranger. Sans doute même, structurellement dans le film, le fait que le procès ait cette place, à cet endroit, n'est pas étranger au fait que c'est ce qu'il y a dans L'Etranger de Camus. Une fin sanctionnée par la société, qui l'attaque non pas sur son acte, mais sur ce qu'il est. 

    Et pourquoi ce sujet aujourd'hui ? C'est un sujet que vous portiez en vous depuis longtemps ?

    Tout a commencé par le fait que j'avais un copain qui s'appelait Ahmed -je n'ai pas changé le nom- à qui il est arrivé ce qui arrive à l'Ahmed du film. C'est-à-dire un type s'était fait salement amocher au pied des blocs d'immeubles où il habitait. Le type avait entendu ce prénom. Ils ont fait une espèce de rafle de tous les gens qui avaient ce prénom, qui avaient l'âge possible. Et le type, la victime, l'a reconnu et mon copain n'y était pour rien. Ca a duré 6 mois.

    Quand il m'a raconté son histoire, ce n'est pas tant l'espèce d'injustice terrible qui m'a marqué. C'est l'énigme que représentait celui qui s'entêtait à le reconnaitre, malgré le fait que tout dans l'enquête était en train de prouver qu'il n'était même pas là.  Ca a commencé comme ça. Après, on met des choses à soi.

    Tout ça est aussi déterminé par toutes les choses qu'on absorbe, l'actualité et le monde dans lequel on vit. Car, en vérité, c'est aussi un film un peu sur la compétition. Cette fameuse phrase de Sarkozy sur la Rolex, ça a illustré quelque chose qui est dans l'air, qui ne fait pas de bien aux gens. Si vous êtes constitué impeccablement,  ça va. Si vous avez une toute petite faille, un tout petit déficit, mais pas grand chose, dans votre constitution, votre rapport à l'existence, c'est là que vous pouvez morfler.

    La bande-annonce de Je ne suis pas un salaud

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2015

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