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    Le Teckel : "Il y a de la cruauté et de la tendresse dans mes films", estime Todd Solondz
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Envie d'un film acide, et qui fait rire autant qu'il fait grincer des dents ? "Le Teckel" de Todd Solondz est donc fait pour vous, et son réalisateur iconoclaste nous a présenté son nouveau long métrage lors du dernier Festival de Deauville.

    Quatre ans après Dark Horse, qui s'inscrivait dans la continuité de Storytelling, Todd Solondz fait son retour avec un Teckel dans lequel on retrouve un personnage de Bienvenue dans l'âge ingrat, doté d'un autre visage. Mais c'est surtout, pour le réalisateur américain récompensé par deux Prix au dernier Festival de Deauville, l'occasion de prouver son statut de poil à gratter, avec un film découpé en quatre segments, qui amuse et glace à intervalles réguliers.

    AlloCiné : Avez-vous écrit le scénario du "Teckel" en suivant la formule "Et si... donc alors" que vous évoquez dans l'un des segments du film ?

    Todd Solondz : Je n'ai pas appliqué la stratégie de Schmerz [joué par Danny DeVito, ndlr] à mon style d'écriture, même si cela pourrait être utile. Cela peut aider les aspirants réalisateurs et ceux qui ont du mal à développer leurs histoires. De mon côté, j'ai eu envie de faire un film avec un chien et j'ai pensé à Au hasard Balthazar de Robert Bresson, que j'avais vu quelques années auparavant. Je l'ai revu et sa narration oblique m'a permis d'être confiant au moment de diviser la structure de mon film en quatre histoires distinctes, liées par un chien qui passe d'un maître à l'autre.

    C'est aussi, pour vous, une façon de faire un portrait de différents aspects de la société américaine.

    Je pense que oui. Depuis que je tourne aux Etats-Unis, il me semble logique d'explorer la société. Ça n'aurait pas de sens de vouloir explorer d'autres choses quand on tourne là-bas, surtout que nous avons eu assez de difficultés pour réunir l'argent nécessaire pour tourner là où nous avons fait le film. Il faut que mes restrictions finissent par jouer pour moi.

    Mes films reposent tous sur de l'ambiguïté

    Vous parlez de difficultés à monter un budget : vos films sont-ils devenus plus compliqués à financer ?

    J'ai eu l'argent nécessaire puisque j'ai pu terminer ce long métrage, mais les budgets sont limités donc il faut être plein de ressources et réussir à faire en sorte que New York puisse passer pour plusieurs lieux différents, car c'est là que nous devions tourner pour des questions de taxes. Je n'avais donc pas la liberté d'aller où je le voulais.

    En présentant le film à Deauville, vous l'avez décrit comme une "comédie du désespoir", ce qui résume bien le ton de votre filmographie. Qu'aimez-vous particulièrement avec ce genre ?

    Mes films reposent tous sur de l'ambiguïté. La comédie alterne avec le pathos, et c'est pour cette raison que la moitié de mon public parlera de la drôlerie du Teckel, tandis que l'autre sera énervée contre elle car elle jugera le film très triste. Pour moi, c'est drôle et triste en même temps, et c'est ainsi que l'on peut définir mon travail au cinéma.

    Il y a souvent des scènes choquantes, dans ce film comme dans vos précédents. Est-ce par goût, ou pour montrer ce que l’on ne voit pas dans le cinéma grand public aux Etats-Unis ?

    Savez-vous où sont vos limites en la matière ?

    Je ne sais pas si je suis bien conscient des limites. A chaque fois que vous faites un film, vous essayez de trouver le bon équilibre au niveau du ton, car il y a de la cruauté mais aussi de la tendresse dans mes films. Certains n’y voient que la cruauté, et ça les bloque et les empêche de voir la tendresse. C’est quelque chose que je ne peux vraiment pas expliquer.

    Une partie du récit est consacrée au cinéma. Peut-on dire que le personnage de Danny DeVito est votre porte-parole, pour évoquer le cinéma d’aujourd’hui ?

    Je pense que ça n’aurait pas de sens de mélanger mon personnage avec celui de Danny DeVito. Nous enseignons tous deux dans des écoles de cinéma, mais c’est vraiment trompeur de faire de telles hypothèses. Lui a vécu une vie de rêves déçus et cherche une espèce de rédemption, ce qui ne correspond à aucun des aspects de ma vie. Mais je ressens beaucoup de choses pour lui, même si nous n’avons rien en commun.

    Les jeunes ne vont plus aussi souvent au cinéma qu'auparavant

    Que pensez-vous de l’évolution du cinéma indépendant américain, depuis l’époque de "Bienvenue dans l’âge ingrat" ?

    La grosse différence est l’avancée d’internet. Et l’un des effets secondaires est que les jeunes ne vont plus aussi souvent au cinéma qu’auparavant. Le marché est ainsi réduit et les budgets pour ces films faits hors des studios plus petits, ce qui rend le défi encore plus grand pour leurs réalisateurs. L’autre changement significatif est, bien sûr, que le numérique a supplanté la pellicule dans la façon de faire les films. On utilise encore de la pellicule, mais pas comme autrefois. Beaucoup de réalisateurs indépendants ne considèrent plus son utilisation comme viable sur le plan économique.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 4 septembre 2016

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