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    Le Fidèle : "Les deux influences sur ce film, c'est Heat et Un Homme et une femme" selon Michaël R. Roskam

    Le réalisateur Michaël R. Roskam et le duo d'acteurs Adèle Exarchopoulos-Matthias Schoenaerts évoquent au micro d'Allociné "Le Fidèle", à mi-chemin entre le polar fiévreux et le drame romantique.

    Après le succès de Bullhead, nommé à l'Oscar du meilleur film étranger, et une incursion aux Etats-Unis pour Quand vient la nuit, d'après un scénario de Dennis Lehane, le Belge Michaël R. Roskam revient avec Le Fidèle, une histoire d'amour passionnelle sur fond de courses automobiles et de grand banditisme, portée par Adèle Exarchopoulos et son acteur fétiche, Matthias Schoenaerts

    Le Fidèle devait être à l'origine votre deuxième long-métrage. Pourtant, vous avez réalisé entre temps Quand vient la nuit...

    Michaël R. Roskam : Après Bullhead, je ne m'attendais pas à une telle attention, notamment d'Hollywood. Quand on a été nommé aux Oscars, j'ai eu d'autres opportunités. Au moment de la lecture du scénario de Quand vient la nuit, celui du Fidèle n'existait pas encore dans sa forme finale. Je sentais que c'était le bon moment pour le faire. Réaliser Le Fidèle, c'était une promesse que je devais tenir.

    Matthias Schoenaerts : Michaël a développé l'idée pendant qu'on tournait Bullhead. Pendant 5-6 ans, on a parlé des personnages, de l'histoire et ça s'est construit petit à petit. 

    Comment vous est venue l'idée du Fidèle ?

    Roskam : J'ai toujours été un grand fan de courses, de formule 1, le Mans,... depuis que je suis enfant. Avec les arts, c'est une bonne combinaison (rires). C'était très organique, je n'ai pas forcé les choses. Je me suis inspiré d'un couple formé par une jeune fille pilote de courses et un homme qui faisait parti du grand banditisme à Bruxelles. Il y aussi eu Vanina Ickx, la fille de Jacky Ickx, un grand pilote de courses belge qui a gagné notamment 5 fois le Mans. Je trouvais original de développer un personnage féminin qui évolue dans les courses automobiles et j'étais très heureux d'unir deux passions.

    Vous co-signez le scénario avec Noé Debré et Thomas Bidegain, qui sont tous les 2 familiers de l’univers de Jacques Audiard, un cinéaste que vous admirez. 

    C'est un exemple, un maître, une source d'inspiration, un grand monsieur du cinéma. J'ai vu Un prophète une semaine avant le début du tournage de Bullhead et je me suis dit "je ne peux plus rien ajouter au cinéma". Quelques jours après, ça m'a redonné envie de faire des choses, du cinéma. J'étais tellement content finalement de voir ce film avant Bullhead. J'ai rencontré Jacques plusieurs fois, il est très généreux. Idem pour Thomas et Noé, ce sont deux grands esprits très créatifs et gentils. Ils m'ont aidé à développer ce projet, ce fut un grand honneur pour moi.

    Twentieth Century Fox France

    L'expérience américaine de Quand vient la nuit a-t-elle changé votre approche du cinéma sur Le Fidèle ?

    Roskam : Oui, mais pas tant que ça. Je fais du cinéma comme je le fais. J'ai eu l'occasion de travailler avec des gens très cools à Hollywood, très respectueux de l'auteur-réalisateur. Il faut s'entourer des bonnes personnes, comme ici. Revenir en Europe, c'est super, je veux continuer à faire l'aller-retour, ce serait mon rêve.

    Schoenaerts : La seule chose que ça change vraiment, c'est que le soir je rentre chez moi et je dors dans mon lit ! C'est chouette les hôtels mais tellement impersonnel, on peut se sentir déraciné. Ce qui est chouette, ce sont aussi les retrouvailles avec des personnes de l'équipe technique avec qui j'ai travaillé par le passé. Ce que j'aime en Belgique, c'est qu'on n'a pas le système où tout est syndiqué comme aux Etats-Unis, où tout est très strict et impersonnel. Ici tout le monde se parle, tout est convivial et généreux.

    C'est la 4e fois que vous tournez ensemble. Vous comptez prolonger l'expérience ?

    Roskam : C'est une collaboration très organique. On est devenu amis après avoir commencé en 2005 avec un court. Il y a toujours un homme dans sa trentaine dans mes films (rires). Peut-être que la question que l'on me posera à mon prochain film sera "ça fait quoi de faire un film sans Matthias ?". Pour moi, il y a juste l'espoir de faire du cinéma et si c'est avec lui, ce sera toujours un honneur. Il est fantastique, c'est un ami, un collaborateur. J'espère que l'on continuera à travailler ensemble. Je fais tout ce qui est possible pour que ça continue.

    Schoenaerts : On est meilleurs amis, on s'amuse, on s'éclate comme deux gamins qui ont envie de faire du foot. On est sérieux mais en même temps on s'amuse, on est très direct et on se comprend. C'est une relation très organique et simple.

    Et vous Adèle, comment avez-vous fait votre entrée dans l'univers de Michaël ?

    Adèle Exarchopoulos : Je connaissais son cinéma. J'avais adoré Bullhead, la manière dont il estimait les animaux, dont il insérait l'enfance dans ses films, l'image, la pudeur, la poésie, ... Quand j'ai lu le scénario, l'histoire d'amour, l'envie de jouer avec Matthias et de jouer quelque chose de plus éloigné de moi, de plus hermétique que ce que j'avais fait avant, ... tout ça m'a donné envie.

    Pathé Films

    Le film repose sur le couple formé par Adèle et Matthias. Comment s'est déroulée votre collaboration ?

    Schoenaerts : Je l'ai rencontrée aux essais maquillage et je l'ai prise dans mes bras comme si c'était une amie que je n'avais plus vue depuis des années. C'était simple et généreux. 

    Exarchopoulos : Oui c'était facile. Une fois sur le plateau, le principal c'est d'être généreux et de se faire confiance, de s'abandonner. C'était assez facile et naturel, comme si on était 2 animaux de la même race. Puis avec Michaël, c'était vraiment une collaboration à 3, il était là dans la réflexion, dans l'action, dans l'observation, ... On a vraiment formé un trio.

    Quel regard avez-vous sur l'amour que se portent vos deux personnages ? 

    Exarchopoulos : On est tous enchaîné dans des moralités, dans des conventions. Ils sont dans une recherche d'équilibre sur des bases bancales avec tout ce qu'il se passe autour d'eux. C'est l'une des choses les plus dures dans la vie : l'amour, être en couple, il faut être courageux pour aimer. Je pense qu'ils ont ce courage, ils forment une entité quand ils sont ensemble.

    Schoenaerts : Ils sont liés mais ils ne dépendent pas de l'autre. Il y a un rapport de pouvoir dans la dépendance. Ils ont besoin de l'autre, ils aiment être proche l'un de l'autre. C'est l'un des éléments du propos de Michaël par rapport à l'amour inconditionnel que j'aime beaucoup : cet aspect de ne pas dépendre de quelqu'un mais d'avoir besoin de quelqu'un, ce qui est pour moi une différence fondamentale.

    Votre rôle, Adèle, pourrait être cantonné celui de la petite amie du héros mais il prend une véritable ampleur au fil du récit. J’imagine que c’est gratifiant de se voir proposer un rôle féminin aussi complexe, d'autant qu'elle évolue dans un milieu masculin, celui des courses automobiles...

    Exarchopoulos : Les codes sont inversés. Matthias n'est pas l'archétype du gangster au crâne rasé qui crache par terre mais c'est un gangster sophistiqué, élégant, qui flotte quand il marche, qui est romantique. Elle, elle a quelque chose de masculin. C'est tellement plus féminin quelqu'un qui assume sa part de masculinité et inversement. C'était excitant rien qu'à la lecture du scénario. De toute façon, je me sens privilégiée de faire ce film et de faire ce métier tout court.

    Pathé Films

    La préparation physique pour ce rôle a-t-elle été difficile ?

    Je n'avais pas mon permis, j'avais rien. Je me suis dit "putain c'est dur", en tout cas c'est beaucoup de travail, c'est physique. J'ai évidemment passé mon permis et j'ai traîné sur des circuits, j'ai vu des compétitions, je suis beaucoup restée à Zolder qui est une piste de course. J'ai appris les vieilles voitures, les boîtes de vitesse, ... Et finalement c'est plus mentalement que ça a été compliqué : dans sa voiture, elle se sent en sécurité là où moi je ne me sens pas en sécurité, c'est son bureau d'aller à 200 km/h. Je demandais sans cesse sur le circuit au début "t'as pas peur ?". C'est comme les joueurs de poker, ce n'est pas l'envie de gagner, c'est le risque de perdre qui est le plus présent. Il fallait que je trouve cette sérénité, ce bien-être.

    Le poids de la tragédie se fait sentir dans tous vos films Michaël : vos héros sont prisonniers de leur condition ou tentent d’échapper à leur passé...

    Roskam : Ce n'est pas parce que c'est organique qu'on n'est pas conscient des choses. Tout est minutieusement construit, il n'y a pas de coïncidence dans mon cinéma. Il y a un plan et on s'y tient. Alors oui, les personnages sont enfermés, comme on l'est tous un peu, on est des esprits dans des corps, il y a toujours le désir d'une liberté absolue mais si on arrive à se libérer, on est perdu. C'est toujours cette bataille, comme un chien dans une cage qui veut en sortir mais qui veut y retourner quand il est libre car il y a une certaine sécurité. La seule chose que veut le chien, c'est entrer dans la cage avec la porte ouverte. C'est pourquoi le chien est devenu une sorte de métaphore dans le film et l'amour permet de donner le meilleur des deux mondes et en même temps nous enchaîne. C'est une soumission volontaire.

    Maarten Vanden Abeele

    Difficile en voyant Le Fidèle de ne pas penser à Heat de Michael Mann pour les scènes de braquage et au court-métrage C'était un rendez-vous de Claude Lelouch pour la scène finale.

    Je fais évidemment référence à Michael Mann qui est un grand cinéaste que j'adore, une source d'inspiration qui m'a beaucoup influencé. Quand on filme un braquage, il y a toujours Heat comme référence. On a filmé la scène de braquage différemment car il faut trouver une certaine identité pour ton film. C'est comme une chorégraphie, c'est une préparation à 100%. Je crois qu'on a fait 9 prises, la neuvième c'est celle du film.

    Un Homme et une femme m'a influencé. Les deux influences sur ce film, c'est Heat et Un Homme et une femme. Il y a aussi un personnage de pilote, mais là c'est une femme. C'était un rendez-vous est un court qui m'a marqué tellement fort mais je n'ai jamais pensé faire quelque chose de similiare. Pourtant, en écrivant la scène, on m'a fait remarquer la similitude avec Lelouch. Tout d'un coup, ça me paraissait évident. Ici aussi à la fin on peut dire qu'il y a un rendez-vous mais de manière différente. C'est un hommage à ce grand cinéaste. J'espère qu'il va le voir (rires), M. Lelouch, appelez-moi !

    La bande-annonce du Fidèle, en salles le 1er novembre : 

     

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