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    Abracadabra : 3 questions au cinéaste espagnol Pablo Berger

    Cinq ans après le très beau "Blancanieves", Pablo Berger revient avec "Abracadabra", qui mélange habilement les genres. Le cinéaste espagnol nous propose une comédie originale et très colorée qui flirte souvent avec la satire sociale. Rencontre.

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    AlloCiné : Dans Abracadabra, on oscille souvent entre la satire familiale et sociale, le fantastique et fantasque. Pourquoi ce choix d'un film de genre et d'un tel éclectisme ? Est-ce en partie pour rendre plus impactante la dimension féministe du film ?

    Pablo Berger Abracadabra, c'est avant tout une comédie, qui est construite à la manière des poupées russes. On a d'abord une comédie, et puis on ouvre et on se retrouve avec une comédie sociale, puis un film fantastique, puis un film musical, et ainsi de suite. Tous ces genres sont intercalés les uns dans les autres. Mon objectif premier est de surprendre le spectateur, mais ce n'est pas quelque chose que je planifie à l'avance, c'est mon subconscient qui s'exprime. Quand je me retrouve confonté à mon scénario, je crois qu'on peut comparer le clavier de mon ordinateur à une planche de ouija : ce sont mes mains qui parlent, comme si une sorte de doppelgänger, de double, écrivait cette histoire. Ensuite, il s'agit de donner un ordre à ce chaos, sous la forme du conte en l'occurrence. Abracadabra est une fable moderne, on part de la comédie et on passe à travers plusieurs genres et la clé est dans l'acte final, c'est là que se découvre la part dramatique de l'histoire. 

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    C'est vrai qu'il y a une part féministe dans Abracadabra, mais je n'ai pas voulu en faire une thèse. Ce que je voulais, c'était qu'on arrive petit à petit à travers le personnage de Carmen à ce thème et je crois que par le prisme de l'humour, on peut aborder n'importe quelle question. D'ailleurs, le personnage principal de Torremolinos 73 s'appelait Carmen et c'est aussi le cas de l'héroïne de Blancanieves. Carmen est comme hypnotisée métaphoriquement par son macho de mari, pour qui le couple passe par l'esclavage de sa propre femme. Le voyage à travers les genres est fondamental pour elle, pour qu'elle puisse évoluer jusqu'à la fin, qu'on ne dévoilera évidemment pas. 

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    Blancanieves, votre film précédent, était en noir et blanc. Abracadabra est très coloré ! Vouliez-vous un changement radical ? Quelle est l'importance des couleurs dans le film ?

    Le défi pour moi, en tant que réalisateur, c'est que chaque film soit différent du précédent, surtout dans l'aspect formel. Blancanieves était effectivement en noir et blanc quand Abracadabra a des couleurs criardes. Le premier était un mélodrame alors que le second est plutôt une comédie. Abracadabra est surtout, aussi, une lettre d'amour à Madrid, qui est une ville extrêmement colorée, dans cet esprit même de Kodachrome, justement. J'ai voulu montrer Madrid et refléter cette ambiance, comme si on la découvrait par un miroir déformant. Il y a aussi une référence qui n'a rien à voir, c'est la référence à la New Color Photography américaine des années 1970. D'ailleurs, j'ai travaillé avec la même équipe artistique que pour Blancanieves et étonamment, les références à la photos étaient beaucoup plus nombreuses que les références cinématographiques. Quand on devait faire des choix, on optait toujours pour plus de couleurs. Cet esprit technicolor est finalement un personnage très important du film. 

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    On vous compare souvent à Álex de la Iglesia. Quelles sont, selon vous, les influences que vous partagez ?

    Álex et moi, on est amis depuis trente ans, on est tous les deux de Bilbao. On était à l'université ensemble, on y a créé le ciné-club. Quand j'ai fait mon premier court métrage, Mama, il était directeur artistique et c'était aussi son premier film. On est un peu comme deux frères siamois séparés à la naissance et je suis toujours flatté qu'on nous compare l'un à l'autre. On a des références communes, dans les livres ou les bandes dessinées qu'on a pu lire, les films qu'on a pu voir durant notre formation à cette époque, jusqu'à ce que je parte aux Etats-Unis pour faire mon master de cinéma. Lui, il est plutôt dans l'action, c'est peut-être pour ça qu'il a fait beaucoup de films d'ailleurs, alors que moi je suis plus dans la réflexion, j'en ai fait beaucoup moins ! En tout cas, je comprends très bien son univers tout comme il comprend parfaitement le mien. J'ai vraiment hâte de voir son dernier film [au moment de l'interview, le film venait tout juste de sortir en Espagne], qui s'appelle Perfectos desconocidos ! J'en profite pour faire sa pub ! (Rires)

    Merci à Victoria Saez, interprète.

    La bande-annonce d'Abracadabra, en salle aujourd'hui :

     

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