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    Zahia Dehar : "Une fille facile est un film de sexe, de soleil et de plaisir..."
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Responsable éditoriale des rubriques Télé, Infotainment et Streaming
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    Zahia Dehar et Rebecca Zlotowski nous parlent libération des corps et des cœurs à l'occasion de la sortie en salles du lumineux et sexy "Une fille facile", récompensé à la Quinzaine des réalisateurs cannoise en mai dernier...

    Dans Une Fille facile, elle a des airs de Brigitte Bardot époque Le Mépris, plus sexy que naturelle, un peu naïve, totalement sulfureuse. A notre micro, elle est déterminée, trouve les bons mots et ne se laisse pas impressionner. Il faut dire qu'elle est très bien accompagnée, par une cinéaste, toujours aussi percutante et engagée, déterminée à la mettre en lumière, avec ses failles, sa liberté, sa sexualité et son corps exposés. Rencontre avec Zahia Dehar et Rebecca Zlotowski, deux femmes décomplexées à l'affiche cette semaine d'un film lumineux, récompensé à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier.

    AlloCiné : Comme vous le dites si bien [voir l'interview ci-dessus], Une fille facile montre le corps de Zahia sans pudeur et avec douceur, mais le film lui donne également et surtout une voix. Parlez-nous de votre rencontre improbable et de votre envie de donner une voix à Zahia Dehar...

    Rebecca Zlotowski : Je connaissais le visage de Zahia, son parcours, sa carrière comme on l'entend à la Rohmer, mais je ne connaissais pas sa voix. Notre rencontre était surprenante parce qu'elle s'est faite comme on le fait en 2019, sur instagram. Elle m'a fait un signe et quand j'ai vu ses vidéos, je me suis dit : "Mais c'est un personnage de Rohmer !" Elle parle comme dans les années 60, elle a une élégance, un maintien, une discipline dans la façon de parler qui sont bouleversants. D'un coup, j'avais en face de moi la jonction entre Kim Kardashian et Luis Bunuel et ça c'était intéressant. C'est un personnage, une actrice que j'ai eu ainsi envie de filmer.

    Qui peut imaginer que Zahia a une cinéphilie? Ce n'est pas pour jouer le contre emploi !

    Zahia Dehar : J'ai interpellé Rebecca sur instagram parce que je l'admire en tant que réalisatrice. Ses films sont très poétiques et ce que j'aime chez elle, c'est que tout est important, même quand il ne se passe rien c'est important. Chaque mot compte. Il n'y a pas de bavardage inutile dans ses films, elle est précise et très subtile. Elle a sa patte, on peut reconnaître une image de Rebecca Zlotowski parmi mille, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Bien sûr je l'admirais, j'aimais regarder ses films et j'ai eu envie de la suivre, juste comme ça. Et après on s'est rencontré et ça a été un coup de coeur mutuel.

    Rebecca Zlotowski : Qui peut imaginer que Zahia a une cinéphilie? Ce n'est pas pour jouer le contre emploi ! Les personnes sont riches, complexes et on peut être une femme aussi intrépide, sexuellement aussi libre et assumer les clichés qu'on peut avoir de soi, l'histoire d'où on est issue et en même temps avoir une cinéphilie que la plupart des jeunes femmes de 25 ans n'ont pas du tout. On joue avec un cliché pour le déconstruire et vaut mieux partir d'un cliché que d'y arriver. Le film nous fait rentrer avec une certaine représentation du personnage et on en sort différent, changé, transformé, amusé, séduit, car c'est un film de plaisir, une caresse, un amour de vacances.

    Qui a le pouvoir ? Est-ce Sofia dans le film avec ce corps spectaculaire ou est-ce celui qui a l'argent, le gros bateau ?

    J'avais envie de faire un film simple sur des questions profondes avec les rapports de classe, qui peuvent être violents, sauvages. Des hommes sur ces yotes qui dînent face à ces filles, ces filles qui sont elles-mêmes issues de la classe moyenne avec un destin qu'il vaut choisir un été (L'héroine du film Mina Farid va en effet décider du sien). C'est aussi léger qu'une bulle de savon et pourtant cela redistribue les cartes du désir, de la zone grise entre le mystère, l'abandon, pour les hommes la richesse, les rapports de pouvoir, de domination. Qui a le pouvoir ? Est-ce Sofia dans le film avec ce corps spectaculaire, cette ingénuité, cette candeur dont elle abuse et dont elle joue, ou est-ce celui qui a l'argent, le gros bateau et qui à la fin peut décider de répudier ou pas ? Qui est dans l'exhibition ? Ceux qui dînent sur leur bateau face aux badauds qui mangent leur glace sur le port ou la fille qui porte une robe transparente avec une culotte apparente ? L'exhibitionnisme est un beau sujet de cinéma. Le film questionne cela de manière très légère à la manière d'un conte moral, estival. 

    Propos recueillis par Laetitia Ratane à Cannes le 21 mai 2019. Cadre : Julien Lambert. Montage : Constance Matthews.

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