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    Donne moi des ailes : "420 millions d'oiseaux ont disparu en moins de 30 ans"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Rencontre avec le réalisateur et aventurier Nicolas Vanier et Jean-Paul Rouve à l'occasion de la sortie de leur nouveau film "Donne-moi des ailes", une fiction mêlant sensibilisation à des questions écologiques, émotion et émerveillement.

    AlloCiné : Plus qu'un tournage de film, un film comme Donne-moi des ailes prend des allures d'aventures !

    Jean-Paul Rouve, acteur : Ce qui est extraordinaire, c'est de vous dire quel est l'élément le plus important dans ce film, ce sont les oies. Ce sont les oies qui décident puisqu'on va vivre au rythme de leur vie. Parce qu'évidemment on ne décide pas quand l'oie va naître. Donc il faut être prêt pour tourner. On ne décide pas quand les oies vont voler car c’est suivant la température de l'air, s'il y a du vent… On ne décide pas la première fois où elles vont voler. Donc forcément le rythme du film, on suit ces oies et tout le long du tournage qui a duré plusieurs mois parce qu'on l'a fait par bouts, on les a vu grandir et on les a vu vivre. Et vous, vous devez être prêt pour elles. Ça, c'est fabuleux à vivre. C'est unique de vivre ça.

    Le principe du cinéma, c'est que c'est enregistré évidemment, et là par moments, c'est du cinéma en direct. Quand l'oie va naître, la dame qui est avec les couveuses, elle nous dit : 'dans une heure, ça va craquer !' Donc là on change tout, la lumière, les caméras, tout… Et on attend, et quelques fois, on est comme des c***, on attend ! On attend que l’œuf craque, ce qu'on voit dans le film, et moi je dois jouer. C'est de la fiction, et en même temps, c'est la réalité ! Ça, c'est fabuleux à vivre !

    Nicolas Vanier, réalisateur : Ce qui est formidable, c'est que finalement on doit aborder ce film d'une façon assez différente, d'humilité assez souvent. On doit être très humble vis à vis de cette nature, à la fois le climat, les oiseaux qui nous imposent leur rythme. Comme Jean-Paul Rouve le dit, les battements de coeur de ce film, ce sont les oiseaux. Ça résume assez bien les choses. Ça pourrait être considéré par beaucoup comme quelque chose de très compliqué, ça l'est. Mais c'est surtout passionnant, très passionnant !

    Est ce que ce tournage vous a réservé des surprises ?

    Nicolas Vanier : Quand on s'engage dans une aventure comme celle-ci, il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles. Ce qui compte est : est ce qu'on a réussi, à la fin, à obtenir tout ce qu'on souhaitait ? Oui. Maintenant pour y parvenir, effectivement, il a fallu parfois emprunter des chemins de traverse. Les oies ont leur humeur. Il y a des jours où elles n'ont pas envie de voler, et on ne comprend pas pourquoi. Le vent, la pression atmosphérique ne leur permet pas de voler. On a un rythme qui est imposé par les oies. Des problèmes techniques énormes qui sont dû au fait que l'ULM est un petit engin fragile sur lequel on ne peut pas embarquer beaucoup de matériel ou un preneur de son et un caméraman et un technicien. Tout ça a été très compliqué. Mais encore une fois, j'ai envie de remplacer le mot compliqué par passionnant ! C'est passionnant ! 

    SND

    Combien de temps de travail représente un film comme celui-ci ?

    Nicolas Vanier : C'est deux ans de travail, entre l'écriture, la préparation technique... Il a fallu aller chercher des œufs un peu partout, qui sont en voie de disparition. Ça a été compliqué aussi à ce niveau-là. Il n'était pas question de retarder de 8 jours le tournage parce qu'on n'était pas prêt ! Nous avons procédé par étapes, mais nous sommes vraiment partis de Camargue, ensuite la Norvège.

    Jean-Paul Rouve : Nous sommes allés très haut en Norvège, au niveau du cercle polaire, dans un coin totalement isolé. Il n'y avait pas de nuit. C'est très très bizarre comme sensation. Votre corps ne comprend pas bien ce qui se passe. On a vécu des moments dingues. Ce parc naturel en Camargue aussi était dingue. Nous sommes aussi allés en Sologne, dans la baie de Somme...

    SND

    C'est aussi un beau film sur la transmission, la relation père-fils...

    Jean-Paul Rouve : Oui ! On dit qu'on va faire un film qui parle d'écologie, de sauver les animaux, de ce qu'il faut faire… Mais ça peut vite être moralisateur. Vous voyez, un truc un peu plombant… Donneur de leçon ! C'est ça que j'aime dans le travail de Nicolas, et dans tous ses films il y a ça, encore plus dans celui-ci. On aime rire, on aime pleurer, on aime avoir peur… On aime avoir des émotions. C'est ça le cinéma, donc je vais me servir de ces outils pour faire passer un message. Et notamment, ça parle en effet de la transmission. Ca me touche parce que je suis père : comment on communique avec nos enfants ? Qu'est-ce qu'on leur laisse ? Comment est le monde aujourd'hui avec les enfants, les ados qui sont quand même beaucoup sur les écrans ? C'est vrai qu'il faut faire un peu attention, ça devient un peu un fléau. Ce n'est pas vieux con de dire ça, je pense. Pour les enfants, ça peut vite être trop ; il faut leur apprendre que la vie n'est pas là.

    SND

    Il y a bien sûr un message écologique avec ce film. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette espèce que l'on voit dans le film ?

    Nicolas Vanier : Ces oies font partie des très très nombreuses espèces qui sont menacées. Beaucoup ont disparu. Elle est menacée parce que l'itinéraire de migration qu'elle utilisait depuis des millénaires est aujourd'hui impossible. Impossible parce qu'il y a des zones tellement urbanisées, des villes qui se sont tellement étendues que la nuit elles se perdent avec ce qu'on appelle la pollution lumineuse. Donc l'histoire de ce film, c'est aussi réapprendre des oies qui ont un véritable GPS dans la tête, un itinéraire qui soit différent, et qui les fasse emprunter des endroits possibles pour elle. Donc au-delà de cette espèce, qui est l'espèce d'oies naines en disparition, ce dont on parle dans ce film, c'est de dire qu'un tiers des oiseaux ont disparu du ciel européen. 420 millions d'oiseaux en moins de 30 ans ! 420 millions d'oiseaux qui ont disparu ! Le second tiers va disparaître, c'est inéluctable, à cause du réchauffement climatique, de la disparition des insectes, l'urbanisation grandissante. Reste à savoir si on va pouvoir garder le dernier tiers. Reste à savoir si nous voulons ou non nous réveiller le matin au printemps et ne plus avoir un seul son d'oiseau. C'est la question qui se pose, et plus généralement, c'est de savoir si nos enfants pourront avoir des enfants, tellement le monde est en train de brûler, et dieu sait que c'est d'actualité aujourd'hui.

    Je n'ai pas la prétention de pouvoir changer le monde avec un film mais c'est vrai qu'autour du film, on a bâti, avec le Ministre de l’Éducation nationale, avec le site Canopé tout un programme d'éducation à l'environnement, qui va toucher, je l'espère, des millions d'enfants dans les écoles pour leur parler justement de ces thématiques qui sont sous-jacentes dans le film, qui sont l'épuisement des ressources naturelles, le réchauffement climatique, la disparition des oiseaux, des insectes… Parler de toutes ces questions parce que c'est vrai qu'on voit qu'au travers d'un film, on arrive à provoquer de l'émotion, de l'émerveillement… Qu'est ce qu'on a envie de protéger le plus dans sa vie ? Ses enfants. On aime ces oiseaux et on a envie de les protéger quand on sait qu'ils sont menacés, qu'ils ne seront plus là si on ne fait rien. Donner les clés pour changer les choses.

    La bande-annonce de Donne-moi des ailes de Nicolas Vanier :

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2019

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