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    La Fameuse invasion de la Sicile par les ours : rencontre avec le réalisateur du bijou animé de Cannes 2019
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Entretien avec Lorenzo Mattotti, réalisateur du film d'animation "La fameuse invasion de la Sicile par les ours", basé sur un classique du livre pour enfants signé Dino Buzzati.

    Pathé

    AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a séduit dans le livre pour enfants de Dino Buzzati, dont est adapté votre film ?

    Lorenzo Mattotti : [l'auteur et dessinateur] Dino Buzzati m'a toujours influencé, que cela soit dans mes dessins ou par sa façon de raconter, de créer des mystères. C'était un des auteurs phares. Quand j'ai lu son livre L'Invasion des ours..., j'ai su qu'il y avait un potentiel énorme pour faire un grand film d'animation. Il contient du grand spectacle, plein de personnages étranges : des fantômes, des dragons... Il était plein de fantaisie et proposait une histoire originale, pleine de tendresse avec des sujets fascinants. Donc quand [la productrice] Valérie Schermann m'a demandé si je voulais faire un long métrage, je lui ai fait lire le livre.

    Chez Buzzati, il y avait déjà des dessins dans le livre... (il coupe)

    Ah oui !

    ...Est-ce que cela vous a aidé ?

    Oui, beaucoup ! En fait, je voulais être très lié à son imaginaire. L'idée de faire un film à partir de ses dessins, m'a beaucoup aidée. C'était comme un dialogue entre Buzatti et moi, dans l'esthétique, cela m'a donné un chemin, et je fais beaucoup de références soit à ses dessins...

    Oui, les peintures dans le couloir ?

    Voilà, on a aussi mis des fresques dans le château (...), et des petits détails que l'on a développé pour les rendre spectaculaires.

    Ce qui a aussi dû vous intéresser en tant que plasticien, ce sont les couleurs vives, car le livre en regorge.

    Oui, il a utilisé des couleurs un peu naïves, parfois très violâtres, mais je crois que ma réinterprétation a donné un peu plus de légèreté et de joie au conte, qu'il y a dans son texte mais pas forcément dans ses images, qui sont un peu figées.

    Ce qui tranche vraiment, ce sont les danses des ours, qui sont très dynamiques...

    Ces danses sont dans le livre, mais nous devions les transposer au cinéma.

    Evidemment. "L'Invasion" est votre premier long métrage, mais vous aviez travaillé avec de grands réalisateurs pour Eros. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience avec ces trois metteurs en scène ?

    Vous savez, ils m'ont donné carte blanche. Ils m'ont fait une lettre dans laquelle ils disaient avoir une complète confiance en moi, que tout ce que je fais est beau (...). Quand Wong Kar-Waï ou Antonioni dit ça, on se dit "il va falloir être à la hauteur !" Mais ils m'ont laissé expérimenter à partir de mes dessins, et j'ai un souvenir d'un mois passé avec des collaborateurs et amis dans mon studio à créer en toute liberté. Nous testions la façon de filmer mes dessins, tentions de les rassembler, et c'était un grand plaisir.

    J'ai donc tenté l'aventure au cinéma mais ensuite, je suis revenu à mes dessins. J'ai fait par exemple tous les décors et les personnages du Pinocchio d'Enzo d'Alò, j'ai fait le court métrage Peur(s) du noir, qui était ma vraie première expérience de réalisateur d'animation (...).

    D'ailleurs nous parlions des couleurs de "L'invasion" mais "Peur(s) du noir" était l'exact inverse, donc on voit que vous cherchez à ne pas refaire les mêmes choses.

    Oui, parce que ça m'intéressait de faire un film à grand spectacle pour la jeunesse. Je crois que ça valait la peine d'y passer cinq ans. J'espère qu'il va arriver aux enfants car faire un film sur mon monde personnel, mes cauchemars, mes monstres je le fais souvent dans mes dessins et ma peinture. Là, je voulais vraiment essayer de faire un film d'animation riche, bien fait, et avec un plaisir de raconter via notre culture européenne.

    Justement, cette touche européenne, vous l'avez aussi via votre collaboration Thomas Bidegain et de Jean-Luc Fromental au scénario ?

    Ils ont apporté l'expérience de cinéma, la capacité littéraire de transposer le texte de Buzzati en français. Thomas m'a apporté beaucoup de soutien pour les relations avec les acteurs et trouver le bon rythme dans la narration avec son expérience de réalisateur et de grands connaisseurs du cinéma. Fromental, c'est la richesse et le choix des mots. Quelqu'un m'a dit que le langage du film est très raffiné, et c'était très important. Et il m'a beaucoup appris par son travail de scénariste.(...) C'était un vrai grand plaisir.

    Je crois que vous interprétez un personnage dans le film, non ?

    Je me suis fait ce petit plaisir, je joue l'ogre.

    C'est vous qui vous l'êtes attribué ?

    Oui, quand on fait les animatics [version préliminaire du film avec un storyboard animé et doublé, NdlR], on met notre voix pour voir si ça marche. Thomas a fait Gidéon, par exemple. Je faisais l'ogre et on m'a dit que c'était bien et mon accent italien ne gênait pas, alors j'ai dit pourquoi pas. [Pour Gidéon], on a essayé d'autres acteurs mais seul Thomas arrivait à lui donner toutes les intonations que l'on souhaitait, alors c'est finalement lui qui l'a fait.

     

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