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    Raised By Wolves sur Warner TV : “un avertissement sur la place que la technologie occupe dans notre société” selon Ridley Scott
    Emmanuel Itier
    Emmanuel Itier
    -Correspondant
    Basé à Los Angeles, Emmanuel Itier accompagne AlloCiné sur les sorties américaines, en assurant interviews/junkets et couverture d’événements US.

    A l'occasion de la diffusion de la série "Raised by Wolves" sur WarnerTV, AlloCiné a rencontré Aaron Guzikowski, créateur et scénariste, ainsi que Ridley Scott, producteur et réalisateur sur la série, afin d'en savoir un peu plus.

    AlloCiné : Ridley, vous êtes producteur de la série, mais aussi réalisateur des deux premiers épisodes de Raised By Wolves. Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre ce projet ? Votre implication a-t-elle eu une influence sur la série ?

    Ridley Scott : Le plus important pour moi dans n’importe quel projet, c’est le script, mais aussi le style du scénariste. C’est réellement la chose la plus complexe au monde que d’écrire un script qui réussisse à passionner et tenir en haleine le spectateur. C’est le sentiment que j’ai eu en lisant ce qu’Aaron avait créé : j’ai été immédiatement pris dans l’histoire. J’ai choisi de diriger les deux premiers épisodes afin de mettre en place cet univers, ainsi que l’histoire autour des personnages. Je me suis investi à fond dans cette aventure en suivant mon instinct et je crois que c’est payant.

    L'histoire de Raised by Wolves n’est pas sans rappeler celle d’Adam et Eve. Est-ce que vous aviez cette idée en tête lors de la création de la série ?

    Aaron Guzikowski : Oui, c’est tout à fait ça. Pour moi, nous sommes à mi-chemin entre l’univers d’Adam et Eve et les contes des frères Grimm. J’ai l’impression d’avoir revisité les histoires de l’Ancien Testament, de l’arche de Noé à la découverte du Nouveau Monde avec une nouvelle humanité. Mais je voulais projeter ce monde dans un futur où les androïdes sont presque devenus comme les humains. Ces deux androïdes, “Mother” (Amanda Collin) et “Father” (Abubakar Salim) sont ma représentation d’Adam et Eve, et ils vont tenter de survivre dans un jardin d’Eden qui est loin d’être fait de paix et d’amour. J’ai aussi créé cette histoire en tant que parent. J’ai des enfants et je voulais me pencher sur la possibilité d’un monde dominé par la technologie. Qu’est ce qui sépare l’homme de la machine? Est-ce que dans un futur proche les machines élèveront nos enfants? Ce sont des questions qui me fascinent et m’inquiètent à la fois.

    Quel a été votre plus gros défi avec cette série ?

    Ridley Scott : Je pense que les thèmes que nous abordons, c’est-à-dire la religion, la famille et le futur de l’humanité, ont représenté le défi majeur. Ce n’est pas simple d’intégrer tous ces thèmes dans une histoire qui doit en même temps divertir et transporter le spectateur au-delà de son quotidien.

    Aaron Guzikowski : De mon côté, en tant que scénariste et créateur de la série, ça a été le choix des acteurs, surtout pour les rôles de Mother et Father. Nous avons eu beaucoup de chance avec Amanda qui est formidable dans la peau d’une androïde. Filmer en Afrique du Sud était également intéressant, puisque nous avons dû trouver les décors parfaits pour créer cette nouvelle planète. Finalement, je pense que nous avons réussi à transporter le spectateur dans un univers au-delà de toute imagination.

    Aaron, est-ce que vous avez eu la tentation de faire des références aux films légendaires de Ridley comme Alien et Prometheus?

    Aaron Guzikowski : Absolument pas. Ridley a été clair avec moi, et m’a dit que ce qui l’avait emballé dans la série, c’est que justement, il n’y avait pas de référence à l’univers des ses films. Même s’il y a des thèmes similaires comme le combat entre l’homme et la machine, la question de la religion et de son emprise sur la société, c’est vraiment un monde totalement unique et différent de ceux présents dans les films de Ridley Scott. C’est cela qui vous tiendra en haleine car ça ne sent pas le réchauffé !

    Il est beaucoup question de foi et religion dans la série. Est-ce que vous pensez que la religion deviendra un jour obsolète et que l’Homme n’en n’aura plus besoin dans le futur ?

    Ridley Scott : J’ai grandi dans un environnement très chrétien. Je faisais même partie du chœur de mon église anglicane. Et pourtant, malgré cela, je n’ai jamais vraiment accepté la religion. En voyant un film comme 2001 de Stanley Kubrick, je me suis dit qu’il y avait sans doute quelque chose dans l’univers. Je suis donc devenu agnostique, et crois en Dieu juste au cas où (rires). Pour moi, Dieu représente une intelligence qu’on ne peut pas comprendre ou saisir. Je ne sais pas si Dieu est une personne, une énergie ou autre chose. Est- ce que la religion conduit à Dieu? Je n’en sais rien…tout est possible, sans doute.

    Dans ce monde que vous avez créé, nous pouvons retrouver d’un côté le fanatisme religieux et de l’autre, le fanatisme athéiste. Est-ce que l’idée était de prendre position ou de laisser ces deux forces s’annuler d’elles-mêmes?

    Aaron Guzikowski : Pour moi, un fanatique reste un fanatique, qu’il soit religieux ou athée. Oui, nous ne choisissons ni l’un ni l’autre. Nous ne tentons pas de convaincre de croire ou ne pas croire. Nous laissons le spectateur libre de ses choix et de ses convictions. Nous voulions également montrer que le développement incessant de la technologie pouvait créer une nouvelle vision de la création. Nous avons toujours tendance à mettre la religion sur un piédestal. Est-ce que c’est devenu notre nouveau Dieu, notre nouvelle foi ?

    Pensez-vous que cette “nouvelle chance” et la chance d’établir une nouvelle humanité, est un parallèle avec la pandémie qui touche le monde entier ?

    Ridley Scott : Ce qui est certain c’est qu’avec tout ce qui se passe en ce moment nous avons intérêt à ouvrir grand nos yeux et nos coeurs ! Et si nous ne changeons pas nos modes de vie, nous sommes encore plus stupides que je ne le croyais ! Je considère cette série comme un avertissement sur la place que la technologie occupe dans notre société. Il faut réussir à trouver un équilibre pour ne pas tomber dans l’extrême. En ce moment, nous faisons face à plusieurs avertissements pour l’Humanité : le dérèglement climatique ou encore les diverses crises économiques. A nous de réagir avant qu’il ne soit trop tard. Aujourd’hui, nous avons des super machines, des super génies et de super sources de financement qui nous avaient prévenu de cette pandémie, et pourtant, personne n’a écouté et personne ne s’est préparé. Nous sommes au bord du précipice. J’ai l’impression que nous sommes revenus en 1919, en pleine grippe espagnole ! Pour moi la religion, la politique, la technologie sont dangereux et c’est pour cela que l’on doit faire en sorte qu’elles soient toujours séparées. Oui, il faut se réveiller et que les choses changent !

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