Mon compte
    En Thérapie sur Arte : "une série où l'écoute est primordiale" selon ses créateurs
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Rencontre avec l'équipe de la série, diffusée chaque jeudi soir à 21h sur Arte depuis le 4 février. Olivier Nakache, Eric Toledano et leurs comédiens reviennent sur les défis posés par le tournage de cette adaptation de la série à succès "BeTipul".

    Lancée le 4 février sur Arte, En Thérapie suit les consultations d'un thérapeute parisien, quelques jours après les attentats du Bataclan à Paris. Adaptée de la série israélienne au succès international BeTipul par le duo de réalisateurs Olivier Nakache et Eric Toledano, la série est une nouveauté pour Arte, car la chaîne ne faisait jusqu'à présent que des créations originales. Une série puissante, axée sur l'écoute et l'empathie, qui entre en forte résonance avec l'époque dans laquelle nous vivons.

    En thérapie
    En thérapie
    Sortie : 2021-02-04 | 26 min
    Série : En thérapie
    Avec Frédéric Pierrot, Charlotte Gainsbourg, Jacques Weber
    Presse
    3,9
    Spectateurs
    4,3
    Voir sur Disney+

    De l'intérieur vers l'extérieur

    L'idée d'adapter BeTipul en France circule déjà depuis plusieurs années lorsque les deux réalisateurs d'Hors Normes et Intouchables s'associent à Laetitia Gonzalez et Yaël Fogiel, productrices des Films du Poisson. Pour Olivier Nakache, c'est le climat actuel qui les décide ensemble à entrer en contact avec Hagai Levi, le créateur de BeTipul, pour voir ce que la série peut raconter de notre société. "Aujourd'hui, il y a une forme de cacophonie : beaucoup de gens parlent, mais peu écoutent", déclare-t-il. Le projet de la série part alors d'un désir de revenir à l'essentiel dans un monde bruyant, à travers le dialogue, l'écoute et le silence. Et, sur le modèle de la série originale et de In Treatment, son adaptation américaine, de raconter comment un événement extérieur peut faire remonter des traumas intérieurs. 

    Aujourd'hui, il y a une forme de cacophonie : beaucoup de gens parlent, mais peu écoutent.

    Ce point de départ est ensuite transmis aux scénaristes Vincent Poymiro et David Elkaïm, qui travaillent avec un pool d'auteurs, dont la contrainte principale est de réussir à tenir en haleine le spectateur avec un simple face-à-face. "On est vraiment dans l'épure du jeu, et aussi un aspect de cinéma intérieur, car ce sont les personnages qui nous racontent leurs souvenirs. On voyage avec eux, ils nous décrivent les choses, plutôt que d'avoir recours au flashback classique", explique Eric Toledano. 

    Un tournage contraignant et stimulant

    Vient ensuite le défi de la mise en scène. Un tournage fleuve de quatre mois, d'une journée et demie par épisode (35 au total), qui se rapproche du théâtre, où le travail sur le texte est essentiel dans la préparation des acteurs. "On faisait des prises avec parfois jusqu'à vingt minutes de dialogues, il fallait vraiment travailler sur le texte", souligne Reda Kateb, qui incarne Adel Chibane, brigadier intervenu le soir des attentats au Bataclan. Pour préparer son rôle, il rencontre un capitaine de la BRI (Brigade de Recherche et d'Intervention) qui a vécu l'intervention, une rencontre "très précieuse" pour l'acteur. 

    Alors qu'on produit en moyenne 2 à 3 minutes utiles de film sur un tournage de cinéma, le tournage d'En Thérapie compte 20 minutes utiles de prises par jour, sous forme de plans séquences alternés sur un acteur, puis sur l'autre. Une apparente contrainte pour les comédiens qui permet au final d'apporter une vérité, une justesse dans les silences. "C'est un travail sur la parole, le langage, et sur la simplicité de la présence physique" explique Frédéric Pierrot. L'acteur incarne Philippe Dayan, un thérapeute en crise, qui s'interroge sur sa pratique et perçoit les événements comme une remise en question totale de sa vie. "La présence à l'autre commence par l'écoute.

    Un face à face entre un psy et ses patients qui est à la fois un vrai challenge à soutenir sur tous les épisodes, mais peut aussi paradoxalement donner beaucoup de libertés aux acteurs. "Ce personnage représente un traumatisme collectif : à travers lui, on peut tous s'identifier à cette période des attentats de novembre 2015, et à l'onde de choc qui s'est propagée dans les temps qui ont suivi et encore dans notre société aujourd'hui", poursuit Reda Kateb.

    Il y a toujours beaucoup de soi quand on joue la comédie, et ici c'est particulièrement le cas.

    Pio Marmaï et Clémence Poésy incarnent quant à eux un couple qui se rend dans le cabinet de Dayan pour régler une question, qui va finalement en soulever beaucoup d'autres. Le fait d'être à trois a demandé de trouver une rythmique légèrement différente des autres personnages qui défilent sur le divan. "Me retrouver assis c'était pas forcément facile pour moi tous les jours, car je suis une sorte de pile musculaire explosive", s'amuse Pio Marmaï. "Cela m'a fait aussi du bien de pouvoir explorer une nouvelle facette de mon rapport au travail." De son côté, Céleste Brunnquell joue Camille, une jeune athlète victime d'un accident. Sous la direction de Pierre Salvadori (chacun des cinq réalisateurs impliqués sur la série réalise les épisodes d'un patient), l'actrice a tissé quelques parallèles communs entre elle et son personnage, du même âge que le sien.

    Enfin, Carole Bouquet joue le rôle d'Esther, praticienne, ancienne amie et contrôleuse de Dayan. Une présence l'un à l'autre essentielle pour la comédienne, au fil de discussions "pointues mais en même temps totalement compréhensibles à tous." Leurs séances jouent sur une opposition forte dans leur pratique, qui permet en même temps de vulgariser le champ de la psychanalyse : tandis que Dayan ne peut travailler sans empathie, sans avoir le monde autour qui interfère et parler avec ses sentiments, Esther adopte une position plus dure et une pratique théorique plus ancienne. "On a eu des fous rires parfois avec Carole, devant certains passages qui nous semblaient absconds, des lapsus involontaires aussi !" s'amuse Frédéric Pierrot. "C'est troublant quand on écoute attentivement à la fois ce qui est dit par l'autre et les pensées qui nous traversent", renchérit Carole Bouquet. "On ne reste pas indifférents. C'est un dialogue très impliquant en tant qu'acteur. Indépendament de cette expérience, il y a toujours beaucoup de soi quand on joue la comédie, et ici c'est particulièrement le cas."

    Une société fracturée

    "Désormais, si l'on veut créer une oeuvre contemporaine, c'est difficile de faire fi de ce qu'il se passe", analyse Eric Toledano, en réponse à l'éventualité d'une saison 2 dont le thème central serait la pandémie, qui bouleverse nos repères collectifs depuis bientôt un an. "Forcément, ça va chambouler tout un tas de scénarios en écriture.  Et c'est vrai que dans une série où l'écoute est primordiale, ça peut être une bonne idée de l'inscrire dans cette période-là. Peut être que cela nous incitera à réfléchir à cette incidence sur nos vies."

    Une secousse qui s'étend jusqu'à notre langage et qui n'est pas sans conséquences, poursuit-il. "J'entendais un psy dire que même sur les mots, on s'était trompés. Au lieu de dire "gestes barrières", on aurait du dire "gestes de protection", à la place de "distanciation sociale" qui est très dur à entendre, on aurait du dire "distanciation physique"... On est obligés de s'interroger sur ce vocabulaire qui a envahi nos vies. Les mots ont eu une fonction très forte !"

    "Dans la série, le personnage de Pio Marmaï possède une chaîne d'épiceries, qui seraient plus essentielles aujourd'hui que la profession de son épouse, réduite au télétravail" s'amuse Olivier Nakache. "On peut aussi se poser la question : est-ce que ce que l'on traverse actuellement est vivable ?" interroge Carole Bouquet. "J'aimerais qu'ils écrivent dessus, qu'ils parlent de ce qui nous arrive."

    Le principe même de la série, autant que celui de son modèle israélien, est de scanner la société en essayant de comprendre ce qui nous traverse. En Thérapie donne un instantané de la France à travers le cabinet d'un psychanalyste; à cet effet, le showrunner Hagai Levi en donne une synthèse parfaite, reprise par ses alter-egos français : "les failles d'un personnage traduisent les failles d'un pays.

    On décrypte En Thérapie avec Olivier Nakache et David Elkaïm dans l'émission Spotlight D'Allociné :

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top