C’est dans une rue de Stockholm que Nathan Grossman rencontre pour la première fois Greta Thunberg, une élève suédoise de 15 ans lancée dans une grève scolaire pour le climat. Pensant la suivre quelques jours pour éventuellement nourrir un court métrage documentaire, le réalisateur n'a alors aucune idée de l’ampleur que prendra son engagement...
Du Parlement Suédois jusqu'au sommet des Nations Unies sur l'action climatique, en passant par un éprouvant voyage en voilier, le cinéaste a pu suivre au plus près la jeune femme devenue icône de l'activisme. Avec I Am Greta, il livre un portrait intime, touchant, humain, qui déconstruit l'image médiatique du "phénomène Greta" et restitue le parcours d'une écolière qui a juste voulu faire sa part pour réparer le monde.
B-Reel Films
Greta Thunberg, une lycéenne de 15 ans, ne supporte plus de rester les bras croisés face au dérèglement climatique. Elle entame, seule, une grève de l’école devant le Parlement suédois. Quelques personnes la rejoignent, puis des centaines, et bientôt des centaines de milliers d’autres. D’une détermination sans limite, elle interpelle les politiciens du monde entier et se bat contre la lâcheté de leurs décisions motivées par des enjeux économiques. En l’espace de quelques mois, Greta devient une icône planétaire et la porte-parole de millions de jeunes qui veulent faire de demain un monde meilleur.
AlloCiné : Comment avez-vous croisé la route de Greta Thunberg ? Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre ?
Nathan Grossman (réalisateur) : Un ami, qui connaissait Greta et sa famille, m'avait parlé d'elle et du fait qu'elle allait faire une petite manifestation devant le parlement suédois. Je suis descendu en reconnaissance pour voir qui était cette jeune fille... Je me souviens d'elle comme d'une jeune femme très timide mais pointue : elle avait déjà une façon claire de parler du changement climatique à l'époque.
Comment l'avez-vous convaincue d'accepter votre caméra ?
Je pense qu'un de nos luxes, en tant que documentaristes, est de pouvoir rester auprès des gens pendant longtemps. Nous n'avons pas besoin de publier rapidement et pouvons ainsi gagner la confiance et nous rapprocher du protagoniste. J'ai dit à Greta (et à sa famille car elle était mineure quand j'ai fait le film) que j'étais profondément intéressé par le fait de comprendre son monde intérieur, comment elle percevait la frénésie qui l'entourait. Je pense qu'elle a trouvé intéressant de laisser quelqu'un présenter ses différentes facettes.
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Justement, en tant que cinéaste, comment avez-vous vécu cette frénésie et ce phénomène Greta Thunberg, et le fait de voir une jeune femme discrète devenir un symbole mondial ?
Dans la mesure où j'ai rencontré Greta avant qu'elle ne soit célèbre, ou un "phénomène", j'ai toujours continué à la voir comme une jeune écolière. Ca a donc été une expérience très spéciale de voir comment ses mots se sont propagés. J'ai dû me pincer le bras plusieurs fois : est-ce que cela se produit vraiment ? Cette écolière se tient-elle vraiment à côté du pape ?
Elle a aussi tenu des discours puissants face aux plus grands dirigeants. Comment avez-vous vécu ces moments en faisant partie de son cercle intime ?
J'étais toujours surpris qu'elle ne soit pas nerveuse ! Je deviens nerveux à chaque fois que je dois parler au nom de beaucoup de gens, mais elle est restée calme.
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Comment expliquez-vous que Greta ait autant fédéré autour de son message ? Et comment expliquez-vous, comme votre film le montre un peu, qu'il y ait aussi autant de gens qui choisissent de la détester ?
Je pense que ça vient de la même qualité chez Greta. Elle sait très bien s'exprimer, de manière courte et concise. Moi-même, comme je dois faire des interviews, je l'envie souvent ! Cela rend son message très direct et facile à comprendre. Et je pense que cela provoque les gens qui ne veulent pas discuter des faits et des chiffres autour du changement climatique.
Certaines scènes du film, comme son journal de bord durant la traversée en voilier vers New York, témoignent du poids qui repose sur ses épaules. Un poids qu'elle n'a pas demandé à porter...
Autant le film traite du changement climatique, autant il s'agit de l'histoire personnelle de Greta. Beaucoup de gens qui ont vu le film ont eu ce sentiment profond qu'elle et ces jeunes militants ne devraient pas avoir à porter ce fardeau sur leurs épaules. Et bien sûr, c'est au monde des adultes d'aider à porter de grandes questions comme celle-ci. Nous savons tous qu'il est beaucoup plus facile de porter un canapé avec plus de bras, si je puis le dire ainsi.
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C'est effectivement un portrait intime de Greta. Que pouvez-vous nous dire de la jeune femme derrière la figure publique ?
Un jour, pendant que je filmais, une personne m'a demandé "Est-ce que Greta peut rire ?". Je pense que beaucoup la perçoivent comme une personne très sérieuse et en colère. Mais celle que j'ai connue a tellement d'humour ! C'est un peu britannique, sec et ironique. Son rire est très aigu, il a rendu fous les sound designers !
Qu'a t-elle pensé du film ?
J'ai toujours été très clair avec elle : pour faire ce film, je devais faire mes propres choix. Cependant, je lui ai donné la possibilité de regarder le montage final et d'avoir une discussion si elle percevait que j'avais mal interprété quelque chose concernant ses pensées intérieures. Mais sa réaction a en fait été qu'elle se reconnaissait pour la première fois à l'écran. Qu'elle se sentait souvent simplifiée dans les médias mais que cela la montrait "comme la nerd que je suis".
Les documentaires sur le changement climatique sont de plus en plus exposés, comme à Cannes lors du dernier Festival. Pensez-vous que le cinéma peut aider à changer le monde ?
Je vais reprendre l'image du canapé. Aucune profession ne peut à elle seule porter ce problème, mais le cinéma peut certainement être une petite main pour aider les gens à le comprendre et à en comprendre les impacts.
