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    Guardians of the Galaxy : un jeu qui transpire l'amour pour la licence Marvel
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sorti ce 26 octobre, le jeu "Marvel's Guardians of The Galaxy" frappe fort. Entre une BO d'enfer, un humour toujours présent au sein d'une bande hyper attachante, le studio Eidos Montreal livre un jeu très solide.

    Eidos Montreal / Square Enix

    Avant de s'épancher sur le jeu Marvel's Guardians of The Galaxy, il n'est peut-être pas complètement inutile de revenir un peu sur le changement de braquet effectué par Marvel concernant l'exploitation de ses licences en jeux vidéo.

    En 2014, les studios Marvel ont décidé de changer leur fusil d'épaule concernant les déclinaisons vidéoludiques de leurs licences, la plupart du temps catastrophiques, à de très rares exceptions près. Car si les films sous licence Marvel caracolent régulièrement en tête du box office, il n'en allait pas franchement de même concernant les jeux vidéo.

    "Lorsque je suis arrivé chez Marvel, je savais qu'avec une telle malle aux trésors remplie de quelques-unes des meilleures histoires et super-héros jamais créés, il était de notre devoir de faire de grands jeux que les fans apprécieraient" expliquait en 2016 Jay Ong, à la tête de la division jeux vidéo chez Marvel. "Avec les dirigeants de Marvel et mon équipe, nous avons donc changé de stratégie afin d'être très sélectifs et dorénavant ne travailler qu'avec les meilleurs studios et les meilleurs partenaires au sein de l'industrie. Nous voulons travailler de manière sélective avec des partenaires qui partagent notre vision et notre ambition d'ouvrir une nouvelle ère pour le business des jeux Marvel".

    La première illustration de cette profession de foi fut l'excellent jeu Marvel's Spider-Man, développé par le studio Insomniac, exclusivité pour la console PS4 de Sony sortie en septembre 2018. La malédiction était enfin brisée.

    Le second jalon, deux ans plus tard, fut Marvel's Avengers, développé par le studio Crystal Dynamics. Officialisé en janvier 2017 par l'éditeur Square Enix, présenté en grande pompe deux ans plus tard lors de l’E3 2019, cette interprétation de l’univers des Avengers n’a pas forcément convaincu tout le monde et brillé au firmament. Loin de là même, au point de contraindre le studio à revoir régulièrement sa copie. Il faut dire aussi que le modèle économique adopté, un jeu pensé comme un Game as a Service, a suscité pas mal de crispations, là où nombre de joueurs et joueuses s'attendaient déjà à un jeu nettement plus orienté vers la narration.

    Redresser la barre

    Après cette douche assez froide, qui n'était quand même pas non plus dénuée d'atouts pour être tout à fait honnête, à charge pour le studio Eidos Montreal et Square Enix de redresser sérieusement la barre avec Marvel's Guardians of The Galaxy. De prime abord, le choix de confier une licence Marvel à ce studio pouvait sembler un peu étrange, tant les jeux développés par Eidos étaient très éloignés de l'univers ultra codifié de Marvel. C'est que Eidos Montreal est davantage connu pour avoir travaillé à la résurrection de la fabuleuse licence cyberpunk Deus Ex, ainsi que le 3e volet du reboot des (més)aventures de Lara Croft, Shadow of The Tomb Raider. Des jeux aux traitements adultes et sombres.

    Mais cette interrogation se révèle bien vite anesthésiée par le studio, pour arriver, au terme d'une vingtaine d'heures de jeu, à cette conclusion d'une évidence limpide : on avait tout faux. Non content d'être très drôle tout au long du récit, ce qui n'est pas le moindre de ses exploits, bien écrit, Marvel's Guardians of The Galaxy est un jeu qui transpire l'amour sincère et immodéré des équipes d'Eidos Montreal pour le matériau d'origine. Un travail de passionnés et d'artisans, qui porte haut la déjà très solide réputation d'un studio qui n'a, depuis longtemps, plus rien à prouver.

    (Re)voici la bande-annonce...

    Revival des 80's

    Dès le tout début du jeu, le ton est donné. Tandis que la caméra resserre son champs de vision pour nous plonger dans le sous-sol d'une ferme, on y découvre l'antre du jeune Peter Quill, le futur Star-Lord et chef de la bande des Gardiens de la galaxie. Coupe mulet sauvage, veste en jean, musique à fond dans le casque et avachi sur son lit, on découvre, l'oeil un peu humide pour avoir connu ces années 80, pleins d'éléments nous replongeant avec nostalgie dans cette époque.

    Ici, un poster de Tron, côtoyant celui de la chanteuse Samantha Fox. Là, une affiche du film Nukegame, cousin proche du film culte Wargames. Tandis qu'une console ColecoVision se trouve au sol, on s'attarde sur la bibliothèque de Peter, pour y découvrir qu'il est aussi adepte des cultissimes Livres dont VOUS êtes le héros, avec un exemplaire du Labyrinthe de la mort, écrit par l'un des maîtres absolus du genre, Ian Livingstone. Un très savoureux clin d'oeil d'ailleurs, puisque l'intéressé fut aussi, des années après, président du conseil d'administration de Eidos, de 1995 à 2002.

    Une séquence en forme de flashback et de rêve, qui reviendra souvent d'ailleurs, avec quelques variations, avant de nous propulser derechef à bord du vaisseau des Gardiens, le Milano. Habile manoeuvre du studio pour nous plonger dans le lieu de vie de l'équipe, et présenter tous ses membres.

    Chacun possède une cabine qui lui ressemble. Celle de Rocket est bordélique, celle de Groot est peuplée de plantes et racines en tous genres. Celle de Star-Lord résonne comme un éternel revival des 80's, tandis que la cabine de Gamora abrite sa petite collection de figurines / poupées dont elle est particulièrement fière ; même si elle explique régulièrement avoir du mal à assumer une passion enfantine qui ferait presque tache quand on est la fille adoptive de Thanos, et qu'on est estampillée comme "la femme la plus dangereuse de l'univers".

    Des personnages hyper attachants

    Dès le début de cette aventure au long cours découpée en 16 chapitres, ça parle. Beaucoup. Presque tout le temps. Les personnages passent leur temps à se vanner, à se chamailler, à commenter les actions de l'autre, à s'interroger à voix haute alors qu'ils sont en plein doute existentiel, même quand le joueur pose sa manette et se contente de regarder autour de lui. Il est même régulièrement interpellé dans les discussions par la bande, sommé parfois de choisir une réponse parmi d'autres, provoquant différentes réactions. Ça ne change évidemment pas la trame du jeu, mais ça contribue mine de rien à toujours donner un peu plus d'épaisseur et de chair aux Gardiens.

    Bref, ça vit, et surtout, ça créé une vraie dynamique de groupe qui s'installe, et harponne le joueur pour ne plus jamais le lâcher jusqu'à la fin du jeu. Et c'est parfait, parce que c'est précisément ça que l'on attend avec cette bande facétieuse.

    Eidos Montreal

    N'allez pas croire que la volubilité des membres du groupe fait office de remplissage. Non seulement elle a du sens, mais elle a même un impact jusque dans leurs caractéristiques au combat. Dans le dernier tiers du jeu, au terme d'une quête / introspection pour chacun d'eux tout au long de l'histoire, cela déverrouillera une ultime technique redoutable, qui se révèle précieuse face aux vagues d'ennemis plutôt costauds. L'idée peut paraître simple, sans doute déjà vue ; elle n'en demeure pas moins assez brillante, et surtout très intelligemment amenée. 

    Si l'on parle plus haut de dynamique de groupe et de personnages hyper attachants, il reste que seul Peter Quill / Star-Lord est contrôlable. Pourquoi ce choix d'ailleurs ? On citera volontiers à cet égard Jean-François Dugas, le directeur créatif du jeu, qui nous avait répondu peu de temps après la toute première présentation du jeu. "Nos réflexions nous ont emmenés un peu partout. Multijoueurs ? Coop ? Autre ? On en a débattu en long et en large mais une chose revenait toujours : les Gardiens c’est à propos des personnages, de leurs interactions, de la dynamique du groupe. Pas à propos de leurs super pouvoirs. Bien sûr, ils sont compétents et doués, mais ça, tous les héros de Marvel le sont. Comment se distinguer alors ? Comment faire un jeu à la hauteur de ce qui fait la force des Gardiens et de leur réputation de rebelles ?"

    Et d'ajouter : "C’est là qu’on a commencé à réaliser que de mettre les joueurs au centre de l’expérience était la clé. Peter étant le chef autoproclamé du groupe, il est devenu la porte d’entrée naturelle vers ce désir de faire vivre quelque chose d’unique". Un personnage qui se révèle au final plutôt charismatique sous des traits différents de son pendant cinématographique, incarné par Chris Pratt.

    Eidos Montreal

    A ce titre d'ailleurs, et cette remarque est valable pour l'ensemble des membres de la bande, Marvel's Guardians of the Galaxy ne souffre pas du même problème que l'on a pu soulever à l'époque avec le jeu Marvel's Avengers, dont les membres du groupe n'avaient pas les mêmes traits que dans les films du MCU éclusés sur grand écran depuis dix ans. Pour des raisons évidentes d'ailleurs : le coût de développement du jeu aurait explosé en plein vol.

    Marvel's Guardians of the Galaxy a le luxe d'être épargné par ça : Rocket Raccoon et Groot étaient de toute façon des créatures en CGI, tandis que les versions numériques de Gamora, Drax et Star-Lord n'ont absolument rien à envier à leurs incarnations live faites par Chris Pratt, Zoé Saldana, et Dave Bautista. Grâce à la qualité d'écriture, déjà. Mais aussi, pour beaucoup, grâce à la qualité de leurs modélisations. Les nombreuses cut scenes dans le jeu mettent en évidence le grand soin qu'a accordé Eidos à sa galerie de personnages, avec un vrai souci du détail.

    Beau comme un camion. Ou un vaisseau, c'est mieux !

    Puisque l'on parle de l'approche esthétique et visuelle du jeu, la direction artistique se révèle être de haut niveau. Certes, elle pourra ne pas plaire à tout le monde, avec parfois des choix de couleurs — sur certaines planètes parcourues notamment — étranges.

    Pour notre part, on penche plutôt pour une vraie cohérence d'ensemble, avec un souci du détail parfois impressionnant. On pense par exemple à Knowhere, le dernier spatioport situé aux limites de l'univers connu, dont le chef n'est autre que Cosmo, un ancien et adorable chien de l'espace soviétique capable de parler par télépathie. Ça fourmille de détails, de lieux de vie, entre son marché, sa boîte de nuit, son inévitable bar plus ou moins louche digne d'une cantina de Star Wars.

    Le contraste est d'autant plus saisissant lorsqu'on y débarque après être passé par la planète Seknarf-9, balayée par des tempêtes monstrueuses et finalement assez vide, qui se trouve être aussi le lieu de résidence de Lady Hellbender, un des (gros) protagonistes de l'histoire et apparue dans les comics en 2015.

    Eidos Montreal

    On ajoutera d'ailleurs que, toujours sur le plan visuel, Marvel's Guardians of the Galaxy est bien plus flatteur pour la rétine que les bouffées d'angoisse que nous avions eues lors du reveal des toutes premières images du jeu, qui se révèlent finalement très éloignées du résultat final. Tant mieux. Pour avoir parcouru le jeu sur PS5 et joué sur un écran 4k d'une diagonale plus que confortable, le jeu est vraiment beau, même si tous les environnements traversés ne se valent clairement pas.

    Gardiens, rassemblement !

    Les considérations esthétiques, c'est bien. Mais qu'en est-il des combats ? Ils sont punchy et plutôt funs. En plus de ses coups de blaster et autres glissades, Star-Lord jongle avec les différentes capacités des membres de la bande : Rocket balance des grenades et autres explosifs sur les ennemis, Gamora découpe avec sa lame les adversaires, Groot fait littéralement prendre racine aux ennemis, Drax fait monter une jauge d'étourdissement...

    Il y a donc une vraie complémentarité et petite dimension tactique bienvenue. Un peu temporisée quand même par un manque de lisibilité sur les symboles de ces différentes attaques. À raison de 4 attaques par personnages et des symboles un peu tordus, on s'emmêle les pinceaux au début face à des ennemis qui surgissent parfois de tous les coins, par vagues et bien agressifs, tandis que la caméra s'affole un peu. D'où des combats parfois un peu brouillons.

    Eidos Montreal

    Une séquence plutôt sympa d'ailleurs durant ces combats, quoique assez répétitive au final, ce sont justement ces mini sessions de team building destinées à regonfler le moral des troupes. En bon chef de bande, Star-Lord se charge donc de coacher et remotiver le groupe en cas de baisse de régime ou de moral, à l'aide d'un bon petit discours bien placé.

    Il s'agit à ce moment-là de prêter attention à l'humeur des membres de la bande quand ils parlent (encore !) : s'ils ont l'air abattu, il faut choisir une réponse qui les remotivera. S'ils sont trop sûrs d'eux, il faut au contraire les recadrer. Si le speech de Star-Lord est correctement choisi, le boost au combat affectera tout le groupe, avec notamment la capacité de lancer plusieurs fois de suite une même attaque nécessitant en temps normal un certain cooldown. Mais si l'effet du speech tombe à l'eau, seul Star-Lord bénéficiera de cet effet de boost.

    Quoi qu'il en soit, ça sera toujours utile face aux divers boss croisés dans le jeu, qui ne seront d'ailleurs pas d'une difficulté cosmique à abattre ; le tout étant d'utiliser et bien doser les apports au combat des différents personnages. Comme tout travail d'équipe finalement !

    Epilogue...

    Marvel's Guardians of the Galaxy, un jeu parfait ? Evidemment non. Certains gags tombent parfois un peu à plat, les combats sont parfois brouillons avec une caméra capricieuse ; la direction artistique ne fera pas l'unanimité, nous avons eu quelques bugs nous obligeant parfois à relancer le jeu...

    Mais il se dégage un tel enthousiasme et une telle énergie du titre d'Eidos qu'il n'est pas loin de se parer de vertus euphorisantes, surtout si l'on aime l'univers Marvel. Un sentiment encore un peu plus amplifié par la géniale BO, riche d'une trentaine de morceaux culte des années 80, entre Mötley Crüe, Bonnie Tyler, Billy Idol, Pat Benetar, Def Leppard ou BLONDIE, pour n'en citer qu'une poignée.

    Complément idéal au premier film de James GunnGuardians of the Galaxy se hisse sans peine parmi les meilleures licences vidéoludiques de l'écurie Marvel. Vite, la suite !

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