Mon compte
    Disney en Chine : des écoles pour apprendre l'anglais... avec Mickey et la Petite sirène !
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Il fut une époque où Disney, bien avant la vague des Marvel et remakes live, tentait de percer différemment le marché chinois. L'idée ? Ouvrir des écoles où des élèves chinois privilégiés apprenaient l'anglais grâce aux productions de la maison.

    Entre Disney et la Chine, c'est devenu, depuis quelques années, une lune de miel très contrariée. À l'image de l'ensemble de l'industrie de l'Entertainment US qui a — on ne sait s'il faut désormais parler au passé — toujours eu les yeux braqués sur l'empire du Milieu, et à raison. Car le marché chinois est devenu depuis plusieurs années crucial pour les majors.

    La firme aux grandes oreilles a beau chercher à flatter l'orgueil national chinois en mettant par exemple sur pied l'adaptation de la légende de Mulan avec un casting chinois, le public du pays a boudé le film, et pas qu'un peu. Le chemin de croix ne s'est pas arrêté. Shang-Chi et la légende des dix anneaux, lui aussi largement calibré pour le marché chinois, s'est fait torpiller par Pékin en bloquant sa sortie sur le territoire. Même constat pour Doctor Strange in The Multiverse of Madness...

    Une situation d'autant plus problématique pour Disney que ses remakes en live action n'ont pas franchement performé là-bas. À titre indicatif, la version live d'Aladdin a rapporté 54,6 millions $. La version live de Dumbo à peine 21,7 millions. Maléfique : le pouvoir du mal 47 millions $. La version live du Roi lion s'en sortait mieux avec ses 122 millions $. Mais, vu la taille du marché, cela reste très modeste.

    Déjà soumis à une politique de quotas drastiques, les films hollywoodiens sont désormais plus que jamais soumis à la pression politique au pays de Xi Jinping, qui préfère largement privilégier les films flattant l'orgueil nationaliste que les œuvres consuméristes made in USA. Et la pandémie du Covid-19, qui a largement paralysé Hollywood, n'a fait que renforcer ce constat, et même l'amplifier.

    Un arrière-plan jugé suspect, une référence plus ou moins directe à l'homosexualité, une remarque ou considération, même anodine, provoquant le courroux des Autorités de Pékin et largement alimenté par la caisse de résonance offerte par les réseaux sociaux chinois type Weibo... Tout est bon pour passer à la trappe certaines oeuvres.

    La Petite sirène, cheval de Troie en Chine

    Il fut un temps, pas si lointain finalement, où Disney pratiquait en Chine une autre forme de soft power. Et nettement moins connu du grand public. En octobre 2008 fut mis en place le programme Disney English, qui visait à enseigner l'anglais pour les enfants chinois (mais pas que) de 1 à 11 ans.

    Implantées d'abord à Shanghai, qui sera d'ailleurs le lieu d'accueil du parc d'attractions en 2016, les structures accueillaient des enseignants venant de Chine, des Etats-Unis et d'Europe. L'objectif, bien compris, étant de se servir des productions Disney, notamment les films d'animation de la firme, comme support pédagogique ; la force de la maison résidant notamment dans le storytelling de ses récits.

    En juillet 2010, Disney comptait déjà 11 écoles dans deux villes chinoises. Les objectifs étaient alors très ambitieux : accueillir à l'horizon 2015 pas moins de 150.000 enfants chinois. Russell Hampton, le responsable de Disney Publishing Worldwide, en charge de ce programme, souhaitait même passer en cinq ans de 11 à 148 écoles. "C'est une opportunité tout à fait réalisable" avait-il déclaré au New York Times; "qui devrait nous permettre de dégager des bénéfices d'exploitation supérieurs à 100 millions $ au cours des cinq prochaines années".

    Dans une société chinoise qui voyait une nouvelle classe sociale moyenne / supérieure émerger, avec un fort pouvoir d'achat, ces écoles Disney étaient aussi un moyen de caresser un peu le rêve américain. Qui avait un coût important.

    Peu de parents pouvaient en réalité payer l'équivalent de 2200 $ à l'année pour 2h de cours d'anglais par semaine, 96h à l'année, en compagnie de Mickey et de la Petite sirène entre autres. "Ces écoles permettent aussi à Disney de tisser des liens avec une nouvelle génération de consommateurs, qui ignorent peut-être les personnages et l'historique de l'entreprise" commentait le Financial Times.

    Baignant dans un univers immersif, les enfants chinois apprenaient donc l'anglais sur la base d'un projet éducatif concocté avec l'appui de l'Université de Columbia et de l'Alabama, grâce à des jeux de rôles, des jeux interactifs, et bien entendu des visionnages des classiques de la maison.

    Les effectifs étaient aussi limités : pas plus de 12 enfants par classe, 15 au maximum. Chaque classe avait son thème : Peter Pan, La Petite sirène, la fée Clochette, Le Roi lion, et même Winnie l'ourson... Mais ça, c'était avant que cette figure ne soit comparée à l'indéboulonnable Xi Jinping, dont les services de la censure, plus crispés que jamais, interdiront toute référence quelques années plus tard...

    Mickey au chômage technique

    Entre les annonces initiales, et le débranchement final de Disney English, le bilan n'est pas franchement fameux. En juin 2020, Disney annonça la fermeture définitive de ses 25 écoles en Chine, situées dans 6 villes. C'est dire si on était loin des ambitions affichées au départ...

    Les écoles furent fermées dès le mois de janvier 2020 pour cause de Covid-19. La pandémie fut fatale au projet, alors même que les Autorités de Pékin prenaient des mesures drastiques pour tenter de contenir la pandémie sur son sol. Si quelques écoles traditionnelles ont pu par la suite réouvrir, les écoles Disney sont restées portes closes.

    "Au cours des dernières années, nous avons remarqué un changement dans les préférences des consommateurs vers les expériences d'apprentissage en ligne et cette tendance a été accélérée par la pandémie mondiale, car les familles hésitent à reprendre les cours d'apprentissage en présentiel" commentait Mahesh Samat, le Vice-président Disney en charge de la commercialisation des produits pour la zone Asie-Pacifique, cité dans le New York Times.

    Reste que l'initiative de Disney fut intéressante et assez habile. Un projet lancé à une époque où les limites imposées par le gouvernement chinois aux médias étrangers commençaient à rendre difficile pour Disney et d'autres studios hollywoodiens la distribution de films et d'émissions de télévision en Chine. Un cheval de Troie américain dans l'Empire du Milieu, qui s'appelait Mickey, Peter Pan ou La Petite sirène.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top