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    "Squeal like a pig !" : 50 ans après, les coulisses de la scène choc de Délivrance
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sorti il y a 50 ans, "Délivrance" de John Boorman reste plus que jamais un sommet absolu du Survival, et un des très grands films du cinéma américain des années 70. Il est aussi célèbre pour deux scènes, dont l'une qui fut compliquée à tourner...

    Quatre hommes décident un week-end de descendre une rivière en canoë dans une région sauvage de Géorgie. Ce qui devait être une promenade agréable va en fait devenir le pire cauchemar de leur vie. Attaques, viol, meurtres, jamais un week-end ne leur aura paru aussi long…

    A la lecture des lignes qui précèdent, vous avez très probablement reconnu l'histoire de Délivrance. Chef-d'oeuvre signé John Boorman, c'est l'un des très grands films américains de la décennie des années 70. Survival tourné dans des conditions extrêmes (les acteurs effectueront eux-mêmes leurs cascades dans la descente des rapides), Délivrance est une oeuvre choc, d'une brutalité toujours aussi glaçante, qui n'a pas pris une seule ride, alors que l'on célébre les 50 ans de sa sortie.

    Délivrance
    Délivrance
    Sortie : 1 octobre 1972 | 1h 50min
    De John Boorman
    Avec Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty
    Presse
    5,0
    Spectateurs
    4,0
    louer ou acheter

    Brouillant les repères moraux des spectateurs, le film est aussi célèbre pour deux séquences. La première est évidemment la fameuse scène du "duel de banjos", tandis que Ronny Cox tente de suivre le rythme effréné d'un autochtone.

    Séquence souvenir...

    Squeal like a pig !

    L'autre fameuse séquence est celle qui fait basculer le film dans l'horreur : la scène de viol du personnage incarné par Ned Beatty. Humilié, il est réduit à un animal par un redneck qui lui demande de "couiner comme un porc" ("squeal like a pig !" en VO), sous le regard impuissant de Jon Voight, attaché à un arbre par l'acolyte du violeur.

    Alternant les très gros plans du violeur, incarné par Bill McKinney, et du violé, Boorman filme de la même manière bourreau et victime, jusqu'à leurs fronts respectifs perlés de sueur, et même leurs dentitions. Impeccable ou presque chez l'un, complètement pourrie chez l'autre...

    Une scène longue de dix minutes, profondément perturbante, dans laquelle le son est aussi essentiel, qui fut d'autant plus compliquée à tourner pour Ned Beatty que Délivrance était son premier film. Il ne voulait d'ailleurs pas la tourner plusieurs fois; elle fut donc mise en boîte par Boorman en une seule prise.

    Warner Bros.

    Dans le commentaire audio qui accompagnait le film en DVD, Boorman expliquait que les Executives de Warner, pas franchement emballés à la perspective de cette scène, lui avait demandé de tourner celle-ci de deux façons différentes; une pour l'exploitation en salle du film, l'autre pour la télévision. Réticent à l'idée, Boorman et le reste de l'équipe eut alors l'idée de la réplique "Squeal like a pig", qui pouvait fonctionner sur les deux versions.

    Toujours selon le cinéaste, un membre de l'équipe technique du nom de Ross Berg suggéra que Beatty pouvait simplement "couiner comme un porc". Boorman trouva l'idée parfaite, et demanda à Bill McKinney qu'il lâche cette réplique à Ned Beatty au moment où il s'apprête à le violer.

    L'impact du film, et de cette scène en particulier, devait aussi inciter le public masculin à penser aux agressions sexuelles dont les femmes sont victimes. Penser à la manière dont les victimes de viols sont jugées dans la société. Dans le film, les quatre amis commettent aussi un meurtre dans le but que l'agression sexuelle de Bobby ne s'ébruite pas, et ne détruise davantage sa vie.

    En 2012, Burt Reynolds, dont la carrière fut mise sur orbite grâce à ce film, évoquait ainsi cette idée de désarroi des victimes de viols, dans une interview accordée au Huffington Post : "les femmes comprennent plus vite ce film que les hommes. Vous savez, pendant des années, les hommes balançaient le mot "viol" sans jamais penser à [l'impact] ce qu'ils disaient et ce que ca impliquait. Et je pense que le film fait justement réfléchir les hommes à quelque chose de très important, que nous comprenons la douleur, l'embarras et le changement dans la vie des gens [victimes de viols]".

    Un fardeau pour Beatty

    "Il n'y a jamais eu de film sans femme, dans l'Histoire d'Hollywood, qui a rapporté de l'argent !" avait asséné un Executive de Warner, à la sortie de la projection test du film, comme le racontera Boorman au Guardian. Pourtant, il fut un grand succès au Box Office, rapportant 46 millions de dollars, et fut même le 5e plus gros succès de l'année.

    Un succès qui pèsera aussi lourdement sur Ned Beatty, trop souvent ramené à cette fameuse et infamante scène, alors qu'il a affiché près de 160 rôles durant sa carrière : "Squeal like a pig" est entré dans le langage courant, comme peut en témoigner le pauvre Ned Beatty. Partout où il allait, les gens disaient : "Squeal like a pig !" Ca a duré pendant des années".

    Quant à son agresseur, Bill McKinney, il semblait ravi de sa notoriété grâce au film et cette séquence, même s'il a tourné dans de nombreux autres oeuvres, et pas des moindres (Josey Wales hors-la-loiLe Canardeur de Michael Cimino, Rambo...). Jusqu'à son décès en 2011, il utilisera même le nom de domaine du site www.squeallikeapig.com, désactivé depuis, comme son site personnel. Ca ne s'invente pas.

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