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    Il y a 50 ans, la sublime "Belle de jour" de Luis Bunuel se dévoilait...
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Responsable éditoriale des rubriques Télé, Infotainment et Streaming
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    Porté par une troublante et sensuelle Catherine Deneuve livrée aux fantasmes hitchcockiens d'un Luis Buñuel au sommet de sa forme, "Belle de jour" sort en Blu-ray, version restaurée 4K pour ses 50 ans.

    Cinéaste espagnol de génie, Luis Buñuel a, sur la fin de sa carrière, enrichi la France de quelques chefs d'oeuvre de drôlerie grinçante, dont Le Charme discret de la Bourgeoisie. Et, dans un registre nettement plus troublant, Belle de jour. Sorti il y a tout juste 50 ans, cette pépite de la filmographie du cinéaste vient d'ailleurs d'être présentée dans le cadre de Cannes Classic en copie restaurée; et sera visible pour le grand public le 2 août prochain.

    Belle de jour, une oeuvre qui suscite le trouble chez le spectateur, né de son sujet tout d'abord qui suit la quête de jouissance d'une jeune bourgeoise devenue prostituée par plaisir masochiste, entre autres raisons secrètes. Trouble né de son interprète ensuite : la débutante Catherine Deneuve, semblant livrée ici aux fantasmes hitchcockiens d'un Buñuel en général plus adepte des beautés brûlantes et félines que froides et pâles. Trouble enfin par sa mise en scène qui entremêle réalité crue vécue et flash mentaux, fantasmes réellement mis en scène dans la maison close et fantasmes imaginés par l'héroïne elle-même. Le tout au service d'un cinéma de l'inquiétante étrangeté et du subversif (anticlérical notamment) qui défie les règles du récit logique cartésien...

    Le choix d'une actrice non "Bunuelienne"

    Ce sont les producteurs du film qui proposèrent à Bunuel de travailler avec Catherine Deneuve, jeune actrice alors connue en France pour son rôle de jeune fille pudique et spirituelle des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, mais aussi celui de créature blessée, démon au visage d'ange dans Répulsion de Roman Polanski. Or Buñuel n'a jamais caché sa préférence pour des actrices plus séductrices telles Jeanne Moreau. Sa première impression lui fera simplement dire de Catherine Deneuve: "Son genre m'a paru convenir pour le personnage : très belle, réservée et étrange. Je l'ai acceptée."

    D.R.

    Le témoignage de Catherine Deneuve insistait surtout à l’époque sur les difficultés de leur relation : "C'est bien de subir des contraintes, mais on doit aussi travailler de son plein gré. Là, je n'ai pas dépassé le premier stade : celui de la contrainte. J'étais trop jeune peut être. Séverine ressemble aux obsessions de Buñuel, pas à moi." L'actrice avoua avoir peu communiqué avec le cinéaste dont elle désapprouvait certaines extravagances. "Finalement, Buñuel ne voulait pas de quelqu'un aussi farouchement réservé que moi. Il m'a utilisée, j'ai suivi, c'est tout". Sa soeur Françoise Dorléac a dû venir sur le tournage afin de l'aider à en surmonter les tensions.

    Un bon exemple des difficultés de Deneuve face aux exigences de Bunuel est celui de la cérémonie macabre dans le film. Cette séquence fut inventée par le cinéaste. Catherine Deneuve, couronnée de fleurs, devait être nue mais s'y refusait. Après négociations, elle accepta de laisser apparaître ses formes en transparence sous un long voile noir. Buñuel ordonna que l'on évacue le plateau et la scène pu être tournée. "Pendant le tournage, j'ai remarqué qu'elle ne me comprenait pas", confia-t-il. "Elle se plaignait à quelqu'un : "Je ne comprends pas pourquoi je dois faire telle chose. On lui répondait : Il faut faire ce que Buñuel te demande. " Elle ne voulait pas que l'on voie sa poitrine, alors la coiffeuse la cachait avec un tissu. A un moment elle devait apparaître nue en train d'enfiler un bas et, pour éviter qu'on en voie ses seins lors d'un mouvement, on les lui maintenait à l'aide d'un taffetas".

    Après s'être rendu compte lors du visionnage de Belle de Jour, de qualités chez l'actrice qu'il n'avait pas soupçonnées et qu'il jugeait encore inexploitées, le cinéaste décidera de retravailler avec elle (plus sereinement cette fois-ci) sur son film espagnol, Tristana.

    Grand succès public, Belle de Jour remporta un Lion d'Or au Festival de Venise, le prix du meilleur film de la critique française et une nomination de la meilleure actrice pour Catherine Deneuve aux British Awards. La jeune femme revêt dès lors l'étoffe d'une star internationale. Pour l'anecdote, Martin Scorsese promouvra le film lors de sa re-sortie en 1996 aux Etats-Unis.

    Ci-dessous, la bande-annonce du film...

     

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