Passé totalement aux oubliettes, "Monsieur" est pourtant un film plein de charme désuet… qui devrait, cependant laisser de marbre le public actuel. Il faut dire qu’il cumule tous les poncifs poussiéreux du cinéma de papa, devenu si clivant avec le temps. Les codes de l‘époque, tout d’abord, avec sa famille bourgeoise qui emploie plusieurs domestiques, ses prostituées si classes et omniprésentes dans la vie des notables ou encore son fils de bonne famille qui ne pense qu’à trousser la bonne. La réalisation, ensuite, qui ne se risque pas à la moindre originalité et qui voit son statisme renforcé par le faire qu’on se trouve devant l’adaptation d’une pièce de théâtre vaudevillesque à souhait. Enfin, le noir et blanc qui plonge définitivement le film dans une torpeur d’un autre temps. Ces défauts participent, pourtant au charme de "Monsieur" qui ne serait inenvisageable aujourd’hui tant il ne correspond à plus rien de connu. Le film est, par ailleurs, une très agréable fantaisie sans grande prétention qui peut s’appuyer sur des dialogues ciselés et, bien évidemment, sur une interprétation d’exception. Evidemment, Jean Gabin est toujours aussi impérial en banquier faisant croire à son suicide pour devenir maître d’hôtel. On ne dira jamais assez à quel point l’acteur a su plier les rôles à sa personnalité, au point de ne plus avoir d’équivalent aujourd’hui. Mais, comme à son habitude, le monstre sacré est entouré de formidables seconds rôles qui ne sont pas en reste. Ainsi, Mireille Darc campe une prostituée aussi ingénue que craquante, Philippe Noiret est évident en patriarche dépassé, la méconnue et superbe Liselotte Pulver surprend en femme volage et Gaby Morlay se rappelle à notre bon souvenir en grand-mère acariâtre. Toute cette joyeuse bande s’en donne à cœur joie, souvent au détriment de la crédibilité de l’intrigue avec, en point d’orgue,
un acte final qui est un modèle de grand n’importe quoi… mais bourré de charme, une fois encore
. "Monsieur" est, donc, un exemple pas si commun de théâtre de boulevard sur grand écran que n’aurait pas renié Feydeau et qui se regarde comme un témoignage touchant d’une époque révolue… Encore faut-il ne pas être réfractaire à cette époque et à ce cinéma ! Quant à savoir pourquoi il n’est pas resté dans les mémoires et, plus précisément, dans la filmographie de Gabin, les raisons sont sans doute à chercher dans la réalisation trop sage de Philippe Le Chanois et dans son propos des plus inoffensif pour susciter une réaction démesurée.