J’ai beau être cheminot et aimer le cinéma muet, "Le mécano de la Générale" n’est pas franchement mon trip, même après l’avoir regardé à deux reprises espacées d’un bon paquet d’années. Voilà pourquoi je donne cette note de 3/5, qui techniquement et artistiquement mérite bien plus, je le reconnais. Pourtant le film n’est pas mauvais. Au contraire, il est bon. Très bon, même. Et audacieux. Et inventif. Alors où est le problème ? Eh bien je vais vous le dire : de Buster Keaton. Cela vous surprend ? Eh bien voilà. C’est dit, et c’est la vérité qui ne concerne que moi. Eh oui, j’ai du mal avec cet artiste (car il en est un, ça je ne peux pas lui enlever) que j’ai surnommé "l’homme-qui-ne-sourit-jamais". Son visage reste impassible, par n’importe circonstance !! Tout le contraire de Charlie Chaplin ! La conséquence est que son côté trop sérieux casse tout effet comique. Entendons-nous bien : cet avis n’engage que moi, soyons d’accord, hein ! Bon, je vous avouerai quand même que j’ai bien ri à quelques reprises au cours de ce railroad movie quelque peu mouvementé sous les notes enjouées de Joe Hisaishi et qui accompagnent merveilleusement le film. Car il y a quand même quelques bons gags qui fonctionnent à merveille, grâce à l’adresse dans la maladresse de ce fébrile petit machiniste chétif à la démarche fofolle et incertaine. Là aussi le mot "quelques" n’engage que moi, hein… Mais ce qui est le plus sidérant, c’est que "Le mécano de la Générale" a été principalement tourné en milieux naturels, avec de presque vrais matériels ferroviaires et ces parfaites répliques de la fameuse General, l’emblématique locomotive à vapeur de la Western & Atlantic Railroad. Nous sommes en 1926, et déjà le souci d’un minimum d’authenticité est présent, y compris dans une comédie pas si burlesque que ça en fin de compte. Pensez donc, tourner en rond inlassablement dans des studios avec ce train aurait été compliqué au niveau des décors, et on aurait perdu à coup sûr la perspective des longues lignes droites ou des montées hélicoïdales pour passer sous des viaducs pour ensuite y passer dessus. En cette époque, pour rendre au mieux des faits réels ayant eu lieu en 1862 au cours de la Guerre de Sécession, le budget devient vite exorbitant après l’embauche d’une quinzaine de milliers de figurants, de la construction de deux répliques de la General, et de… la destruction d’un pont. Ainsi, "Le Mécano de la Générale" devint alors le film le plus cher de l’histoire du film muet. Buster Keaton était quelqu’un qui savait improviser, tout en restant professionnel et fin calculateur. "Le mécano de la Générale" ne fait pas exception à la règle, d’autant plus que pour la destruction du pont, il n’avait pas le droit de se louper. Boudé à sa sortie, cette œuvre cinématographique fait partie du joyau de la filmographie de Buster Keaton mais pas que, puisqu’elle a été le tout premier film à constituer le fonds du National Film Registry aux Etats-Unis. Et c’est tant mieux ! Parce que ça a beau être mené à toute vapeur, ça ne patine jamais.