Séduit par In the mood / 2046, déçu par My Blueberry / Grandmaster, j’avais oublié à quel point WKW pouvait me toucher ; ça risque de ne plus arriver depuis que j’ai vu « Chungking Express ». Cette double histoire de policiers affectés par des chagrins d’amour puis rencontrant des femmes « hors du monde », peut sembler banale en apparence, mais est filmée avec une beauté somptueuse, touchée par la grâce. N’ayons pas peur des mots, je trouve qu’il y a une poésie extraordinaire dans cette œuvre, une beauté de chaque instant, sans cesse surprenante. Ces deux histoires sans réel début ni fin semblent s’écrire au fur et à mesure, nous laissant le soin de les continuer par nous-même. Wong Kar Wai capte en direct quelques destinées au milieu de Hong-Kong, se rejoignant dans un petit bar, entre des plats ou des coups de téléphone. Rien que des petits moments, ou presque ; rien que du quotidien. Mais ces petits instantanés deviennent des beautés et des éternités pour les personnages, comme pour les spectateurs. Le quotidien, avec ses répétitions, dialoguées, gestuelles, musicales, finit par naitre le bonheur. Et la mise en scène est en totale harmonie avec cela : c’est une caméra pleine d’idées, pleine de virtuosité de l’instant, des images brèves mais inoubliables. Faye qui danse sur California Dreaming. Tony Leung qui parle à son savon. Takeshi Kaneshiro qui demande à Brigitte Lin si elle aime les ananas en plusieurs langues. Elle le regarde boire un café au ralenti pendant que la foule passe en accéléré au premier plan. Et encore beaucoup d’autres. Les personnages, les sons, les couleurs, les mouvements, tout semble virevolter dans une harmonie unique. Ce poème cinématographique mériterait d’être célébré pendant dix-mille ans !