Le cinéma de Gus Van Sant, de Elephant à Will Hunting, en passant par l'excellent Last Days, est plus difficile d'accès qu'on ne le dit. Non pas parce que le cinéaste entend fonder ses oeuvres sur la contemplation et le plan-séquence (et en ce sens, il se rapproche d'un Béla Tarr) mais c'est parce qu'il préserve quelques thématiques fortes, il va puissamment étudier ses sujets, et l'humanité y est conçue comme un véritable sujet d'analyse
Paranoid Park ne s'apparente finalement pas à une thèse sur la paranoïa (comme l'aurait pu laisser entendre le titre) ou sur la culpabilité. Il cherche davantage à évoquer le malaise adolescent, en impliquant son protagoniste dans des situations délicates. Il en ressort que le cinéma de Gus Van Sant cherche à se baser sur la plus pure objectivité (et c'est en ce sens qu'il est naturaliste).
Pourtant, l'onirisme, le subjectif le dispute au rationalisme, et ce particulièrement dans Paranoid Park où Van Sant bouleverse la structure narrative classique. Il y inclut des redites, des flash-back, sur le mode du vécu, de la mémoire et du souvenir.
Au fond, Gus Van Sant est proche de ses personnages, il appréhende le monde à travers leurs yeux, c'est pourquoi son cinéma y est si contemplatif. Etirer les scènes permet d'accéder à une certaine pureté psychologique.
Parlons émotion. Gus Van Sant est assez avare en larmes, violons et autres produits classiques pour produire du bouleversant à peu de frais, et c'est tant mieux, parce que cette distance quasi kubrickienne le préserve de la boursouflure et du misérabilisme. Du cinéma de Van Sant, on ne retient ni une quelconque démagogie, ni position du cinéaste, mais justesse et grâce, car c'est finalement dans l'objectivité (ambigüe, cela dit, ne serait-ce que sur un plan purement formel) qu'il parvient à dresser des tableaux éblouissants.