Imaginer que son “Conte de Noël” va nous délivrer une morale mielleuse au détour d’une cascade de bons sentiments serait mal connaître le ton grinçant qui caractérise le cinéma d’Arnaud Despleschin, absent des écrans depuis 2003 et le succès de “Rois et reine”, qui avait notamment valu le César du Meilleur Acteur à Mathieu Amalric. Une fois encore à l’affiche de son nouveau long métrage, le comédien y incarne cette fois-ci Henri, authentique écorché vif, et cadet des enfants d’Abel et Junon. Laquelle, atteinte d’une maladie nécessitant une greffe de moëlle osseuse, réunit toute sa petite famille le temps de fêtes, dans le but, déjà, de trouver un donneur compatible, mais aussi de recoller les morceaux qui peuvent l’être entre chacun des membres de la tribu. Ce qui revient presque à croire au Père Noël, tant certains conflits semblent irréparables, et ne demandent qu’à exploser au grand jour, dans le petit théâtre que représente la maison familiale, véritable auberge espagnole où chacun est venu avec ses fêlures, du mal-être de l’ainée, Elizabeth, à la schizophrénie de son fils. De quoi laisser la porte grande ouverte à un festival de règlements de comptes, avec hystérie en sus, comme beaucoup avant Despleschin ont su le faire. Mais le réalisateur parvient à éviter le piège, laissant même poindre un zeste de tendresse derrière les rancœurs, tandis qu’il fait se rencontrer théâtre, musique, peinture et marionnettes, non sans quelques allusions à différentes mythologies (avec les prénoms Abel, Junon, Joseph, ou une allusion à la parabole du fils prodigue, puisqu’Henri, autrefois banni, s’avère être le donneur capable de sauver sa mère). Alors certes, la diction particuilère des comédiens en agacera peut-être plus d’un; certes, le film accuse quelques longueurs; mais personne ne pourra nier la justesse des acteurs, dirigés par un cinéaste funambule, capable de passer d’un extrême à l’autre, du rire au malaise, pour nous offrir un joli Noël avec six mois d’avance.