Invictus est un film qui, ne serait-ce qu’avec le titre, annonce une atmosphère poétique dépeignant la réalité et l’histoire d’un pays meurtri par la colonisation. Dès lors, le spectateur est tenu en haleine et s’attend forcément à un scénario épic qui va faire comprendre aux moins calés en histoire anglo-saxonne, la résolution complète de l’après-apartheid. En un sens, Eastwood a réussi le pari. Effectivement, durant tout le film, grâce à certaines scènes, qui sont magnifiquement tournées et nourries d’images époustouflantes - il faut le reconnaitre- on comprend le contraste entre les Noirs et les Afrikaners (les Blancs). Et il suffit d’un match de coupe du monde de rugby, pour voir le problème entièrement résolu ; où la victoire des Springboks est célébrée par les Blancs et les Noirs, main dans la main, et où ces derniers ont adopté le rugby comme nouveau sport populaire. Par conséquent, une partie de l’audience va ressortir émue en pensant que l’idée de Mandela était géniale et salutaire. D’autres spectateurs vont être complètement déçus d’avoir visionné un film de 2h qui, selon eux, représente encore un symbole de la dominance du Blanc sur le Noir.
En dehors du fait de devoir supporter Morgan Freeman qui donne l’impression d’avoir vraiment du mal à jouer l’accent Sud Africain- même s’il incarne naturellement bien Mandela- il devient presque insoutenable de visionner ce film promouvant un discours politique peu subtil.
En effet, Mandela souhaite véritablement l’union du peuple et que les Noirs pardonnent aux Blancs sud africains. Et pour consolider leur lien, rien de mieux que le rugby qui est jusqu’à lors, complètement ignoré par la population pauvre et noire. Mais derrière cette action, se cache encore un message finement caché; pour s’intégrer à la nation, il faut aimer ce que les Blancs aiment. Pour ce faire, Mandela envoie Pienaar (Matt Damon) et l’équipe des Springboks, répandre l’amour du rugby dans les ghettos les plus défavorisés. Le capitaine qui a grandi dans un foyer raciste, est complètement envouté par sa rencontre avec Mandela « He’s the greatest man I’ve ever met », tandis que, durant tout le film, on ne le perçoit que comme un pion en qui il manque cette fougue de vouloir se positionner contre le racisme. Et derrière la fameuse scène où le rugby s’invite dans le quartier pauvre, et qui se veut être complètement poignante, on voit l’homme Blanc apparaître à nouveau comme le sauveur qui a réussi à faire d’un pays démantelé par le racisme, une nation unie. Mais on oublie ainsi que c’est une manipulation politique qui permet de dire à la populace « soutenez le rugby et oubliez que vous vivez dans la misère ». Les problèmes ne sont pas résolus ; ils sont juste camouflés afin de montrer aux autres nations lors de la coupe du monde que Mandela a bien réussi à unir le pays. Par ailleurs, comme chaque bon conquérant qui plante son étendard sur la terre conquise ; sur le terrain sec et aride où jouent les petits enfants noirs, les Springboks ont planté leur bannière qui dit « one team, one country ». Alors que fait-on du football et de ses nombreux adhérents ? Eh bien la pensée est simple, pour faire partie de la nouvelle nation, on les oblige à se convertir au sport et à l’équipe des Blancs ! Cependant, le côté mielleux du film fait oublier ce message et nous fait presque culpabiliser de voir une machination politique.
En outre, la scène de fin qui tend à être vraiment émouvante a cassé la magie du film. Des policiers blancs écoutent le match sur leur poste radio et demandent très « poliment » à un petit Noir de s’éloigner, mais finalement ils sont tous pris par la dynamique du jeu alors ils l’invitent à suivre ensemble très religieusement le match autour d’un soda. Au sifflement de la victoire, ils le prennent tous dans leur bras et le portent sur leurs épaules en lui prêtant un de leur képi ; on aurait quasiment l’impression qu’ils étaient même prêts à l’adopter ! Ils symbolisent ainsi l’union du pays et la victoire sur les conflits sociaux de l’Afrique du Sud…Plus cliché, tu meurs..… !
C’est ce que je retiens d’Invictus, un film dont la poésie est alimentée par des moments plus que clichés, et qui échoue dans sa volonté de convaincre que le rugby ait été un outil pour la paix.