Après avoir eu peur dans les premières minutes, me demandant dans quoi je m'embarquais, agacé par les gongs sonores et les acteurs kitsch et mauvais (pour la plupart, ce qui n'est pas le cas de notre bon vieux Kasso), j'ai finalement su trouver le rythme que le film me proposait. Au bout d'une vingtaine de minutes le déclic a eu lieu. En prenant conscience des enjeux à tous les niveaux (humains, militaires, politiques...) on prend conscience d'un ensemble de tensions et de choix qui épuisent nos personnages, plus encore que les difficiles conditions de vie.
Mathieu Kassovitz, incarnant un capitaine qui arrive avec ses hommes dans une île où une prise d'otage créée le chaos, n'a qu'un seul but, résoudre cette situation de manière pacifique, faisant office de messager entre les divers camps. Mais son rôle sera mis à rude épreuve, avec des chefs haut placés qui ne cesseront de lui mettre des bâtons dans les roues. La situation est claire : Un assaut est inévitable et voulu depuis le début, et la seule solution qu'a le capitaine est d'essayer tant bien que mal de gagner du temps pour tenter d'assurer la sécurité de ses hommes retenus prisonniers.
En introduisant son film avec un back forward extravagant mais efficace le réalisateur est clair : L'histoire est déjà écrite, le destin tout tracé, le mal fait. La seule chose à faire est de rétablir la vérité. Car c'est vraiment une mission de conteur, de pédagogue, que prend Kassovitz. Pas d'esbroufe dans sa réalisation, juste un désir de montrer avec authenticité une histoire taboo qui fait encore débat. Il le fait avec brio, la caméra à l'épaule donnant cette sensation d'intimité qui nous plonge dans l'enfer de ces jours maudits. On découvre comment les gens sont manipulés, comment les décisions sont prises, de la part d'un Ordre supérieur qui ne se concerne pas des répercussions de ses actes. Entre révolte et acceptation, le capitaine se démène partagé entre ses propres convictions et son rôle qui est d'assurer la survie des hommes sous sa responsabilité. Les conflits de l'esprit sont des merveilles du genre, les actions et les réactions ont un vrai impact et les points de vue depuis la prise d'otages sont des bijoux d'intensité.
Pendant deux heures on se déplace aux côtés du capitaine, dans une précipitation anxieuse, on se prend à espérer, à croire, à penser avec insouciance que le bon sens puisse prendre le dessus. Mais on connaît déjà la chute, les faits, et ce n'est pas une désillusion qui finit par s'abattre sur nous mais un retour à la réalité. On nous montre comment les décisions les plus froides et incompréhensibles peuvent être prises autour d'une table, pendant que dans les profondeurs des terres on essaie juste de faire entendre sa voix. Mais les seuls sons qui finissent par résonner sont ceux des armes, Kassovitz ponctuant son film d'une scène d'assaut terrifiante, empreinte de fatalité, qui ressemble presque à un immense plan-séquence où la panique se mêle au désespoir. Les balles rattrapent les mots, les morts s'étalent les uns à côté des autres et nous laissent sans voix au cœur de ce désastre humain et moral.