Pendant longtemps, j’ai été littéralement transporté par la mise en scène majestueuse de Martin Scorsese. Je me voyais même donner la note maximale ! Pour tout dire, j’avais même du mal à croire que c’était du Scorsese (et je ne dois pas être le seul), tant ce qu’il nous propose ici est fondamentalement différent de ce qu’il a fait jusque-là. Et je ne parle pas du fait qu’il soit sorti en 3D ! Et surtout, il offre ici un spectacle sans aucune restriction d’âge, ce qui n’était plus le cas depuis de nombreuses années. Mieux, "Hugo Cabret" s’adresse à un public encore plus large, de 7 à 77 ans comme on dit. Pourquoi ? Parce que "Hugo Cabret" s’inspire du roman pour enfants "L’invention d’Hugo Cabret" et est traité en tant que tel : un film pour enfants et donc par extension un film tout public. Résultat, ce long métrage s’apparente à un conte. C’est en partie dû au fait que le cinéaste a alterné sur la première partie de longues séquences musicales (excellente musique de Patrick Doyle au passage) avec les scènes plus… comment dire… disons parlées. Et que dire de cette longue et magnifique introduction de 12 minutes, matérialisée par un superbe plan-séquence qui nous fait partir de la vue aérienne de Paris pour nous faire arriver dans les dessous d’une gare au prix d’un mouvement de caméra époustouflant commençant par des images de synthèse, lesquelles se transforment comme par magie en images réelles en traversant les volutes de vapeur libérées par une locomotive. Déjà, la magie opère. Chers lecteurs, chères lectrices, soyez les bienvenus dans une gare parisienne au cours des années 30 : la gare Montparnasse. Les puristes critiqueront le déplacement de l’intrigue de New York à Paris. Mais c’est l’occasion pour le cinéaste de réunir dans un seul et même film tout ce qu’il aime. Parce que dans le bouquin, il a trouvé tout ce qui le caractérise : le goût pour la création, l’amour envers le septième art, et la solitude. Alors pourquoi ne pas associer tout cela avec le charme suranné de la capitale parisienne des années 30. Il faut dire que Paris était la capitale mondiale (ou presque) du raffinement ! Et ça commence par l’architecture, jusqu’aux horloges, dont les rouages et leur design les ont désignées comme de véritables pièces de collection dignes des plus grandes pièces classées aux monuments historiques. Et puis cette façon que Scorsese a de nous montrer ce que personne ne voit (les mécanismes)… mamaaaa c’est beau ! Moi qui ai découvert ce film en version plate à la télé, c’est avec une certaine amertume que je regrette de ne pas avoir découvert ce film en relief. C’est vrai, ça aurait été sans doute un plus, mais vous ne pourrez qu’être ensorcelés par cette image aux tons sépias, légèrement granuleuse. Et puis il y a l’interprétation des acteurs, toutes d’excellente qualité. Le plus étonnant est que le jeune Asa Butterfield (pas plus que Chloë Grace Moretz, d’ailleurs mais… un peu moins en avant que son principal interlocuteur) ne s’est pas laissé impressionner par la présence de stars parmi lesquelles figurent Ben Kigsley, Jude Law (encore une fois impeccables) et l’inépuisable Christopher Lee (paix à son âme). Butterfield est assurément une des bonnes surprises de ce film (si je rajoute le fait que Scorsese a fait un film pour enfants, pour tous, et qu’il l’a tourné en 3D), qu’il doit cependant partager avec Sacha Baron Cohen, loin, trèèèèèèèèès loin de cette ineptie immonde de "Borat, […]". Leur affrontement nous fera prendre en sympathie ce jeune garçon, sans pour autant détester non plus le policier de la gare. On prend fait et cause pour ce jeune garçon, forçant même l’admiration de tous à vouloir garder une pauvre machine pourtant hors d’usage. Et puis de fil en aiguille, "Hugo Cabret" change de cap, ce que j’ai trouvé un peu décevant. Car finalement, on commence sur Hugo Cabret, et on finit sur George Méliès, un réalisateur français parvenu sur le marché du cinéma à la même époque que les Frères Lumière, et qui a proposé un nouveau monde illusoire et féérique en se servant de ses talents de prestidigitateur. Et puis il y a ce spectaculaire accident de la gare Montparnasse, ayant eu effectivement lieu le 22 octobre 1895 : superbement reconstitué et bien amené. Mais de voir les rails trembler de la sorte, je vous assure que le train ne va pas aller bien loin… Et quand la scène se répète, à la vitesse à laquelle arrive le train, je vous garantis que le convoi ne peut en aucun cas s’arrêter avant le butoir. Tout cela pour dire que la première partie m’a littéralement transporté au pays merveilleux des contes, mais pas la deuxième… disons plus terre à terre…