Difficile de résister à la sono cannoise nous martelant toute la journée du jeudi 18 mai que "De rouille et d'os" était la future palme, que c'était un coup de poing en pleine face que les festivaliers avaient reçu, bref le chef d'oeuvre absolu de... la journée.
Voulant faire mon petit festival à moi, mais en région, j'ai vu le nouveau Jacques Audiard, cinéaste éminent et ayant un avantage sur beaucoup d'autres de ses confrères : il a le ticket, celui qui lui permet d'être systématiquement encensé dans toute la presse française sans exception.
Résultat : très bon film, oui, chef d'oeuvre, peut être mais pas pour moi.
Il est indéniable que Jacques Audiard est un grand réalisateur, avec des thématiques fortes, viriles et un sens inné du plan alambiqué mais jamais gratuit. Ici, c'est en virtuose de la caméra qu'il se pose et qu'il réussit à nous embarquer dans son histoire. Fouillant l'intime, traquant le moindre frémissement de ses acteurs, il donne à son film une densité incroyable, arrivant à rendre Marion Cotillard absolument juste et émouvante.
Et il en faut du talent pour arriver à captiver le spectateur avec cette rencontre assez improbable entre un gars déclassé, bloc de chair et de muscles, atrophié du cerveau et amputé des sentiments et une fille battante et rude, confrontée au handicap suite à un accident de travail. La caméra va les suivre, sans concession ni pudeur. Elle va surtout s'attacher à Ali, déclassé, vivant de sa force dans des boulots de videurs ou de gardiennage, puis en boxeur pour combats clandestins. Jacques Audiard tient là sa note sociale, filmant sans concession une Côte d'Azur loin des clichés touristiques, montrant qu'à l'arrière des plages privées et des hôtels de luxe, survit un prolétariat rendu invisible par les parasols et les paillettes.
Ali, c'est Matthias Schoenaerts, déjà apprécié dans Bullhead, qui confirme ici sa stature d'acteur emplissant l'écran de ses muscles. Il lui reste cependant à prouver qu'il n'est pas qu'un tas de chair quasi muet dans lequel ses deux derniers films semblent le cantonner.
Seconds rôles parfaits, musique au top, effets spéciaux bluffants ( les moignons de Marion Cotillard ), tout concourt à ce que ce film soit parfait, ce qu'il est presque.
La fin sur le blog
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