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    L'Oeil invisible
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "L'Oeil invisible" et de son tournage !

    Huis-clos métonymique

    L'œil invisible est l'adaptation sur grand écran d'un roman de Martin Kohan intitulé Ciencias Morales (traduit en français sous le titre de Sciences morales). Le réalisateur Diego Lerman affirme avoir apprécié non seulement la réutilisation du contexte historique de la dictature militaire, mais aussi le jaillissement d'autres thèmes tels que la répression sexuelle, l'abus d'autorité, la déliquescence d'un régime. Le livre a aussi une particularité, celle de se dérouler en un lieu unique et clos sur lui-même, à savoir un lycée. Lerman dit que ce lycée fonctionne dans le roman comme métonymie d'un pays et qu'il en est de même pour le film : "[Il] me semblait être le théâtre idéal pour ce film, un exercice de condensation absolue, comme si l’on voulait observer une microcellule à la loupe."

    Un règne tyrannique

    La dictature militaire a débuté en 1976 et s'est autoproclamée "Processus de réorganisation nationale". Elle a pris fin en 1983, laissant un pays meurtri et endeuillé. Le régime a été responsable de la disparition de 30 000 personnes (dont on ne sait ce qu'elles sont devenues) et de 15 000 fusillés. Les prisons ont détenu de nombreux ennemis politiques, sur lesquels furent pratiqués la torture et autres supplices. La junte militaire a aussi été tenue pour responsable de la guerre des Malouines avec la Grande-Bretagne. Pour échapper à la dictature, un million et demi d'Argentins ont été contraints de s'exiler durant cette époque.

    Travail de mémoire

    Né le jour exact du coup d'Etat militaire, un certain 24 mars 1976, Diego Lerman se voit lié malgré lui aux événements politiques qui ont durablement marqué son pays. Ses parents ont milité contre la dictature nationale. Une partie de leur famille a été portée disparue, comme beaucoup d'autres Argentins capturés ou exécutés par le régime militaire de l'époque.

    Un chemin personnel

    Diego Lerman en est à son troisième long-métrage, après Tan de Repente (qui narre le voyage initiatique de trois jeunes lesbiennes) tourné en 2002, et Mientras tanto (film à la fois comique et tragique sur le destin de différents personnages dans la ville de Buenos Aires) réalisé en 2006 et sélectionné au Festival de Venise la même année. Lorsqu'on lui précise que son cinéma est constitué de films variés et disparates, Lerman explique qu'il est dans la voie de l'expérimentation et préfère faire parler ses intuitions.

    "Adapter c'est trahir"

    C'est du moins ce que pense Diego Lerman, qui affirme que Martin Kohan lui a laissé carte blanche pour la transposition du roman en film. Les principales différences tiennent à la date à laquelle se déroulent les deux récits. Si le livre se passe durant la guerre des Malouines, les événements du film ont lieu juste avant qu'elle n'éclate. Au niveau des personnages, Lerman a souhaité amener plus de protagonistes féminins afin de contraster avec l'univers très masculin du lycée. Le cinéaste n'a pas voulu recourir à la voix-off pour traduire les nombreux monologues de l'héroïne du roman. L'actrice qui interprète le rôle a donc dû jouer sur des équivalents sensoriels.

    Une institution authentique

    Le lycée dans lequel se déroule l'action du film existe réellement. Le Colegio Nacional de Buenos Aires avait à l’époque une grande importance, chargé en symbolisme patriotique. Les enseignants et précepteurs avaient pour consigne de garder une certaine distance avec leurs élèves de façon à éviter tout contact et toute humanisation des rapports. En revanche, le lieu n'a pu être utilisé tel quel pour le tournage de L'œil invisible. La direction de l'établissement n'a jamais répondu aux sollicitations de l'équipe de production. Diego Lerman a dû utiliser 3 lycées différents. Rendue difficile, la continuité spatiale a pu être néanmoins recréée durant le montage du film.

    Choix de mise en scène

    Diego Lerman a souhaité que les dialogues du film paraissent complètement robotiques, comme si les différents interlocuteurs étaient des automates. D'un point de vue technique, le cinéaste argentin a cherché à mettre en mouvement la caméra, à jouer sur les flous, à travailler la profondeur de champ.

    Subjectivité du regard

    L'un des objectifs de Diego Lerman a été aussi d'apporter un surcroît de sensualité dans l'univers austère et autoritaire du film. Tout doit passer, selon lui, par le regard de l'héroïne Maria Teresa. Le spectateur est invité à voir le monde à travers ses yeux.

    Intense travail de répétitions

    Lors des répétitions avec l'actrice Julieta Zylberberg, certaines scènes qui ne figurent pas au scénario ont été jouées. Ce travail a permis à la comédienne de mieux s'imprégner de son personnage et de prendre en considération ce que celui-ci a vécu avant le début des événements racontés dans le film. En outre, Diego Lerman et elle ont laissé une part importante à l'improvisation. Ce qui a eu pour effet, selon Zylberberg, de "condenser des choses qui ensuite se sont déposées naturellement dans le film, sans même qu’on en prenne conscience".

    Maria Teresa, victime idéologique

    Selon Julieta Zylberberg, l'évolution du personnage de Maria Teresa est liée à l'endoctrinement qu'elle subit dans le lycée qu'elle fréquente. Elle perd de son innocence et atteint une certaine perversion, à l'image du régime politique auquel elle est soumise. D'un autre côté, elle reste humaine et vit son existence personnelle comme elle le peut. Acte qui confirme que mêmes les tyrannies n'ont pas raison de la conscience individuelle des personnes.

    Révélation féminine

    Julieta Zylberberg a obtenu le Prix de la Révélation Féminine discerné par l'Academia de Las Artes y Ciencias Cinematograficas (Académie des Arts et du Cinéma) en Argentine.

    Osmar digne d'un Oscar

    Osmar Núñez, qui interprète Biasutto l'intendant du lycée, a obtenu le prix d'interprétation masculine au Festival de Biarritz. L'acteur avoue avoir pris beaucoup de délectation à jouer un personnage aussi négatif que le sien : "Tous les acteurs vous le diront : jouer les méchants est un plaisir." Nunez tient néanmoins à préciser que si son personnage est un salaud aux yeux de tous, il est néanmoins convaincu d'agir pour le bien. De ce fait, le comédien argentin a tenté de l'imaginer comme quelqu'un qui remplit une noble et juste fonction. Il ajoute à ce propos que s'il devait composer un serial killer, il agirait de façon identique car il faut, selon lui, toujours trouver des raisons au personnage. Une forme de banalité du mal qu'Hannah Arendt ne renierait pas. Ce que Nunez confirme: "Malheureusement, ces gens continuent de croire que leur objectif était le bien-être de la patrie. Ils insistent toujours sur le fait que le mal se situe dans la libre pensée, dans la démocratie." Avant de conclure sur le fait que ce mal n'a, par définition, aucune conscience de ce qu'il est.

    Eloigner ses souvenirs

    Osmar Núñez affirme qu'il a tenté de tenir à distance son propre vécu et ses souvenirs de l'époque de la junte militaire. Il explique qu'il a ressenti dans sa propre chair les aberrations et abus de la terrible répression et que son expérience personnelle n'était pas appropriée pour jouer le personnage. Bien au contraire, elle aurait été contre-productive à son travail.

    Inspiré des théories de Michel Foucault

    L'oeil invisible est un titre qui renvoie à la théorie de Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et Punir. L'auteur y fait la description des différents systèmes de surveillance utilisés à toutes les époques. L'un d'entre eux fait aujourd'hui débat, celui du panoptique. Ce dispositif, expérimenté dans certains milieux carcéraux, permet de surveiller constamment les individus, aussi nombreux soient-ils, sans même qu'ils ne s'en rendent compte. D'où cet idée d'œil invisible omniprésent et omnivoyant. Le réalisateur Diego Lerman affirme qu'il s'agit d'une idée éminemment cinématographique. Qui regarde qui est une question que le cinéma met sans cesse en problématique.

    Un final en images d'archives

    L'œil invisible se termine par une séquence agrémentée d'images d'archives. Il s'agit d'un célèbre discours de Galtieri, le dernier des chefs de la junte militaire. Prononcée en 1982, quelques jours après de grandes manifestations populaires sévèrement réprimées, cette intervention publique permet à la dictature d'annoncer officiellement l'annexion des Malouines au reste du territoire argentin. La guerre qui en découlera signera la chute du régime, défait par les forces militaires anglaises et par son impopularité totale. Diego Lerman explique que tous ces éléments historiques ne sont pas inclus dans le roman, mais restent indispensables au film : "Toute l’Histoire, tout ce qu’il y a à l’extérieur du lycée, reste hors-champ lors du film. Ces images agissent comme une recontextualisation brutale et contondante."

    Une nouvelle vague argentine ?

    Si ce terme est récurrent lorsque l'on parle du cinéma national en Argentine, Diego Lerman se montre quelque peu dubitatif sur cette question : " Je n’ai jamais bien saisi ce que cela signifiait concrètement. (...) C’est très stimulant de faire partie d’une génération aussi talentueuse, mais il n’y a pas eu réellement un groupe d’amis, comme ce fut le cas en France par exemple lors de la Nouvelle Vague."

    Films sur une junte meurtrière

    L'oeil invisible n'est pas le premier film à revisiter le contexte de la junte militaire argentine, qui a perduré de 1976 à 1983. D'autres oeuvres comme Buenos Aires 1977 de Adrián Caetano en 2006 ou encore Disparitions de Christopher Hampton, et avec Antonio Banderas, replongent le spectateur dans cette terrible période historique.

    Cannes 2010

    L'œil invisible était en compétition dans la 42e édition de la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes.

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