Premier film de Dan Gilroy, Night call est un coup de maître aussi brillant qu’extrêmement noir, avec un Jake Gyllenhaal absolument magistral en noctambule insensible, ahurissant de cynisme, tellement distant et raide qu’il n’est plus vraiment humain. Lou Bloom promène ses cernes dans les rues de LA, à la poursuite du scoop qui fera trembler l’audience. Accident, fusillade ou chasse policière, tôle froissée, morts étalés, ambulance et cordons de sécurité, tout est bon à filmer, pourvu que ça nourrisse les conversations et attise le plus bas voyeurisme. Chaque coup est pire que le précédent, plus sordide, plus violent, et chaque fois il est sur les lieux plus vite, s’immisce un peu plus, modelant les faits à sa guise pour la gloire de son œuvre : ramener la peur dans les foyers dès l’aube, éveiller le peuple en le terrifiant, en appeler à ses plus vils instincts, indiscrétion, commérage, l’enivrant frisson du scandale quand il croque sa première tartine. Tout ça est montré dans des plans étouffants, larges ou très resserrés, chauffés par la bande-son moderne, antithèse de la froideur du rôdeur central. C’est une réussite, totale, de la première à la dernière minute, et, comme son sujet, elle est à la fois repoussante et juste fascinante.