On ne peut passer outre l'hommage rendu à Vincente Minnelli lors de la dernière demi-heure de "New York, New York" où s’enchaînent des numéros musicaux inventifs, colorés et inscrits dans une flamboyante mise en abyme; mais avant ce final à la fois survolté et mélancolique, Scorsese aura moins réalisé une comédie musicale qu'un film sur la musique, et l'émotion qui en émane est autant liée à la structure de l'ensemble et aux différentes tonalités convoquées qu'à la capacité du cinéaste à nous avoir fait croire en un amour que l'on pensait impossible. Il faut dire que la relation entre Jimmy et Francine ne démarrait pas très bien, le premier accostant la seconde avec une lourdeur pachydermique mais sans reculer devant les refus successifs. C'est sur un ton résolument joyeux qui met en avant le jeu burlesque de l’extravagant Robert De Niro et le caractère affirmé de l'irrésistible Liza Minnelli que le film nous embarque, et ce durant trois bons quarts d'heure, avant de prendre un virage plus sombre qui ausculte le quotidien torturé du couple. Dans un segment central fait de quelques longueurs, Scorsese filme une guerre des egos ravageuse, incarnée dans la violence des situations et des dialogues – la scène de l'hôpital est terrible –, qui rend compte des limites d'un amour ne survivant pas à la représentation médiatique des deux personnages; en effet, si Jimmy se fait une place respectable dans son orchestre de jazz à Harlem, il n'a pas la renommée de Francine, qui est devenue une chanteuse mondialement connue, et peine à accepter sa place dans l'ombre de celle qui l'aime. On pourrait donc croire que le film s'oriente vers le drame, et c'est en partie vrai, mais les dernières minutes – lesquelles font un malicieux clin d’œil au "Singin' in the Rain" de Donen – créent un sentiment plus contrasté : si le happy end n'est pas permis, on quitte les deux musiciens avec l'idée qu'ils ont été heureux autant qu'ils le pouvaient et que, s'ils pensent que leur couple ne peut perdurer, alors l'expression de leur séparation est moins déchirante que douce-amère. Une mise en scène étincelante, un couple merveilleux et, dès le générique de fin, la certitude que ce film, on ne l'oubliera pas.