Ned Kelly, passé à la postérité en tant que Robin des bois australien (avec un costume de RoboCop), a déjà été l’objet de multiples adaptations à l’écran, la dernière datant de 2003 avec le regretté Heath Ledger en vedette. Ce bandit australien, qui trouva sa vocation sur le terreau de la misère et de l’injustice dont étaient victimes les petits exploitants agricoles (souvent irlandais) au sein d’une économie favorisant ouvertement les grands propriétaire, devint, très rapidement après sa capture et son exécution, un symbole de résistance face aux élites et aux classes dirigeantes. Dans cette nouvelle relecture du mythe, Justin Kurzel brode sur le statut d'icône populaire de Kelly, sans oublier de s’interroger sur les raisons de cette fascination australienne pour la violence de celui qui était aussi un assassin sans scrupules. D’emblée, il prévient que rien ne sera vrai dans ce portrait qui respecte pourtant les grandes lignes de l’épopée du hors-la-loi. Il plante le décor dans une zone froide et désolée, écrasée sous un ciel de plomb et aussi peu conforme aux images qu’on se forme de l’arrière-pays australien que l’était ‘The nightingale’ de Jennifer Kent. Il donne à Kelly une famille atroce, un père qui a ramené du bagne une folie et un goût malsain pour le transformisme, un mère mi passionaria mi prostituée, aussi excessive dans son amour que dans sa haine, et qui vendra son fils à un bandit de grand chemin afin que celui-ci fasse son éducation. ‘Le gang Kelly’ est un de ces films qui considèrent comme insultant de laisser filtrer la moindre lueur d’espoir, et qui semblent déjà avoir rendu leur jugement dès le départ, à l’image des ‘Crimes de Snowton’ du même réalisateur. A l’exact opposé d’une reconstitution historique soignée de cette fin du 19ème siècle dans un pays encore barbare, le film dérange par ses anachronismes, d’abord discrets, ensuite de plus en plus apparents, à mesure qu’il installe une esthétique punk marquée, et transforme Kelly et sa bande en pionniers du No Future, nihilistes et conscients de l’issue funeste qui les attend. Tout cela fait du “Gang Kelly” quelque chose qui choquera les tenants de la rectitude historique (et c’était sans doute le but recherché : romantiser mais de façon anti-académique, jusqu’à tutoyer le cinéma expérimental, comme dans la scène de la fusillade finale) mais donne une vision mémorable d’un bandit aussi fascinant que controversé. On a comparé la démarche de Kurzel à celle d’un Guy Ritchie, lui aussi connu pour rock’n rolliser des figures bien connues …mais le modèle de Ritchie serait plutôt à chercher du côté des Rolling Stones, canailles, provocateurs et déjantés, alors que la figure musicale tutélaire de Kurzel se rapproche sans doute plus du Velvet underground, sa fascination sans compassion pour les réprouvés et les marginaux et son approche tout en discordance qui prend rapidement les airs d’un véritable cauchemar intérieur dont il est impossible de s’extraire.