Hyper-production indienne de tous les superlatifs, ‘RRR’ (pour “Colère, Guerre, Sang” en langue télugu) romance les actes de deux révolutionnaires indépendantistes, Alluri Sitarama Raju et Komaram Beehm, qui combattirent l’occupant britannique dans les années 20. Je ne savais rien d’eux, et je ne sais toujours rien d’eux aujourd’hui puisque ‘RRR’ n’a pas l’ambition de faire oeuvre d’éducation historique ; au contraire, il est aussi historique que le ‘Thor’ de chez Marvel est mythologique, déjà parce que les deux intéressés ne se sont jamais rencontrés dans la réalité, ensuite parce qu’à l’écran, ils ressemblent plus à des superhéros qu’à des types qui faisaient le coup de feu dans la jungle. Du coup, on ne s’étonnera même pas que tous les Britanniques, même les dames qui prennent le thé en robe à crinoline, soient dépeints comme le modèle d’origine des bourreaux nazis les plus sadiques. ‘RRR’ ne s’embarrasse d’aucune nuance de gris et se montre tout sauf subtil mais après tout, au vu de ses ambitions internationales, les références culturelles indiennes trop pointues auraient constitué un handicap et c’est en outre raccord avec le fait que l’Inde soit en proie à une forte fièvre nationaliste depuis plusieurs années. C’est assez curieux pour un film indien mais l’aspect romantique demeure étonnamment discret et le film, s’il comporte d’inévitables parties chantées en solo, se refuse aux chorégraphies bollywoodiennes jusqu’au générique final au cours duquel il craque complètement le slip : du coup, ‘RRR’ aurait pu n’être qu’une grande épopée pseudo-historique et patriotique ronflante, pas particulièrement intéressante pour tout spectateur qui ne vibrerait pas à la vue d’une photo de Narendra Modi…mais ‘RRR’ reste fidèle à cette tradition du cinéma indien qui lui permet de transformer quelque chose de banal en délire tout pété (au risque, évidemment, que la gravité du propos ne s’efface derrière l’humour involontaire pour le spectateur non culturellement ciblé). Dès lors, si vous n’avez jamais vu un type qui attaque tout seul le palais du gouverneur en lançant des tigres, des loups, des léopards et des cerfs sur les soldats anglais, si vous ne saviez pas qu’une voiture qui se prend une balle dans le pneu en roulant à cinquante peut faire huit tonneaux en moins d’une seconde, si vous doutiez qu’un homme d’un certain poids projeté de cette même voiture puisse avoir largement le temps de saisir à fusil à lunettes en plein vol et d’abattre le fugitif qui cavale devant lui, ‘RRR’ va se chercher de vous montrer que le courage et la ferveur nationaliste peuvent venir à bout de tous les obstacles et aussi de toutes les lois physiques !