Les Séminaristes : les secrets du tournage

Dès 1948, quand le parti communiste prend le pouvoir en Tchécoslovaquie, la police secrète persécute tous les prêtres s’opposant aux nouvelles règles imposées par le gouvernement. Afin de contrôler et de manipuler l’Eglise, le gouvernement crée Pacem in Terris, une organisation cléricale collaborationniste qu’il implante dans toutes les structures cléricales du pays. En réaction, une Eglise clandestine est créée : des prêtres sont ordonnés en secret et organisent des messes clandestines dans des maisons privées.

Ivan Ostrochovský souhaitait raconter une histoire au temps du régime totalitaire communiste, à une époque où les hommes étaient victimes de manipulation : « Beaucoup feignaient d’approuver ce régime afin de se rendre invisibles, donc invulnérables. Les autres, qui résistaient, risquaient de se retrouver en conflit avec un pouvoir qui utilisait l’intimidation et la paranoïa pour contrôler et étouffer le libre arbitre de chacun ». Bien que ce récit se déroule durant les années 80, le réalisateur estime qu’il résonne encore aujourd’hui avec nos sociétés dominées par la peur et l’incertitude répandues par les médias et les partis politiques.

Avec Les Séminaristes, Ivan Ostrochovský s’attaque à un sujet tabou : la collaboration entre l’Église catholique et le parti communiste. Pour aborder le thème du conflit moral, il a décidé de prendre une école de théologie comme contexte : « c’est un lieu où ce conflit prend une intensité extrême. L’essentiel de la société a collaboré avec le régime, c’est un peu facile de critiquer l’Église catholique. Mais l’histoire de cette Église est édifiante, car les prêtres ont apporté une vraie légitimité au régime avec leur appartenance à Pacem in Terris ». 

Avec ce film, le réalisateur ne cherche pas à apporter des réponses mais à pousser le spectateur à réfléchir à ce qu’il ferait lui-même : « Il faut relativiser le mal, mais jamais le trivialiser. J’essaye de trouver des personnages qui, même s’ils font des choses répréhensibles, nous ressemblent par plein d’aspects. […] Je veux que le public comprenne combien il est aisé de se retrouver du mauvais côté de l’histoire ». 

Si Les Séminaristes n’est pas une histoire vraie, le film repose cependant sur des éléments véridiques. Outre le Pacem in Terris, la grève de faim des étudiants a bien eu lieu, ainsi que la mort d’un prêtre ordonné en secret. Par ailleurs, l’acteur Vlado Zboron, qui apparaît dans le film, a lui-même étudié dans une école théologique dans les années 80, de laquelle il a été renvoyé car il refusait de collaborer.

Les Séminaristes a été écrit notamment par Rebecca Lenkiewicz, co-scénariste de Ida, Oscar du meilleur film étranger en 2015. Elle et Ivan Ostrochovský se sont rencontrés alors qu’elle faisait partie d’un jury qui avait attribué un prix au film précédent d’Ostrochovský. Celui-ci raconte : « je lui ai raconté l’idée de ce projet et elle a eu envie d’y travailler. C’est passionnant quand quelqu’un d’un tout autre horizon intervient, car sa perspective est totalement différente ».