La réunion, sur le même film, de deux génies du cinéma japonais, Kurosawa II, Kiyoshi Kurosawa, (celui qui n'a aucun lien de parenté avec le grand Kurosawa I), et Ryusuke Hamaguchi, qui a réalisé entr-autres, le merveilleux Senses, de deux générations aussi, l'un ayant été l'élève de l'autre, voilà de quoi rendre fou tous les nippophiles. Eh bien, curieusement, ces deux génies, au lieu de se potentialiser, semblent se neutraliser d'une certaine façon pour en arriver à un produit relativement banal, assez peu porteur des qualités du cinéma japonais, poésie ou extrême cruauté, un produit presque américain qui aurait pu être réalisé par Alan Pakula! Sydney Pollack! On retrouve même les bêtises que peut être amenée à faire une femme jalouse, bases de nombreuses comédies américaines. C'est bien, mais un poil décevant.
Années 40. C'est un petit couple nanti, qui vit en ignorant complètement les convulsions du monde. Yusaku (Issey Takahashi) est le patron prospère et élégant (ah! ces costumes trois pièces impeccablement coupés!) d'un négoce en soies. Il vit pour faire prospérer sa firme. Il déplore que toutes ces guerres l'empêchent de voyager et de recruter de nouveaux clients. Et Satoko (Yu Aoi) vit pour ce mari qu'elle idolâtre. Un joli et riche mari, une belle et grande maison, une bonne, le reste, elle s'en fiche complètement. L'armée qui défile sur toutes les places? Ils ne la voient pas. Les injonctions du pouvoir, par exemple de renoncer aux vêtements occidentaux pour en revenir aux kimonos, ça glisse sur eux comme l'eau sur les plumes d'un canard. Quand un des gros clients américain de Yusaku est arrêté, soupçonné d'espionnage (on soupçonne beaucoup dans le Japon des années 40), Yusaku n'imagine pas que cela puisse lui nuire. Il n'est pas patriote: sa patrie est celle où il fait des affaires.
Et puis, Yusaku voyage en Mandchourie, avec son neveu Taiji (Masahiro Higashide), qui vit avec le couple mais a décidé de se retirer pour devenir écrivain, et les deux jeunes hommes découvrent les exactions de l'armée japonaise, les expériences d'arme biologique faites sur la population. Avec la même inconscience, la même naïveté qui lui faisait occulter les turbulences du monde, Yusaku, maintenant, imagine qu'il va pouvoir influencer ce monde, témoigner. Que le Japon perde la guerre puisqu'il fait le mal...
Il revient au Japon, il est métamorphosé, Satoko le sent, et pour elle, c'est qu'il y a une autre femme....
Et à côté de leur couple, il y a un autre homme, un ami d'adolescence, Fumio (Ryoto Bando), qui a surement été amoureux de Satoko -mais elle a préféré Yusaku-, et qui est devenu un des petits chefs de la police politique, et qui va les manipuler... Ou peut être, être manipulé à son tour car l'amoureuse inconditionnelle Satoko peut elle aussi se métamorphoser.
Raconté comme ça , ça fait américain, non? C'est quand même passionnant, et quand même, à voir!