Les Amants sacrifiés marque la collaboration entre Kiyoshi Kurusawa des inquiétants Kaoro et Cure, Vers l’autre rive, et des deux Shokusai, tout aussi inquiétant et de Ryusuke Hamaguchi, réalisateur de la fresque Senses ou Asako …et dernièrement Drive my car, prix du Scénario au Festival de Cannes 2021. Jusqu’à présent c’est un cinéma que j’ai moyennement aimé à part Shokusai… « Les Amants sacrifiés » a obtenu le Lion d’Argent de la Meilleure Mise en scène au Festival de Venise 2020. C’est la première fois que Kiyoshi Kurosawa se lance dans le film historique…avec en arrière-plan, l’invasion de la Mandchourie par l’armée japonaise du Guandong. L’intrigue du film est tortueuse, inextricable….les manipulateurs seront à leur tour manipulés et les manipulés , manipulateurs….Nous sommes à Kobe en 1941…Ysaku et sa femme Satoko vivent en couple moderne et aisé, Ysaku étant un négociant international de soie grège de Kobe …le couple est loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident…Mais lors d’un voyage en Mandchourie avec son neveu Taiji, il est confronté aux exactions de l’armée de son pays, et notamment la guerre bactériologique que les japonais mènent contre la population mandchoue, en particulier, des agissements de l’unité 731, une unité de recherche bactériologique qui, sous le couvert de prévention des épidémies, inoculait des maladies comme le typhus, la peste ou le choléra à des Chinois et fit plusieurs centaines de milliers de victimes.…Quand il revient son attitude parait étrange à sa femme, mais aussi aux autorités notamment le chef de la police qui est un ami du couple et plus spécifiquement ancien soupirant de la jeune femme… Que cache Ysaku, jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ? Son mari est-il un espion ? Son voyage en Mandchourie cache-t-il une histoire d’amour avec cette mystérieuse Hiroko Kusakabe que Isaku et son neveu ont ramenée avec eux….Sakoto reste étrangère à l’époque troublée qui s’annonce et souhaite avant tout se battre pour son bonheur….Ysaku est plus tourmenté, cosmopolite dans l’âme et tourné vers l’occident, il ne peut accepter cette ferveur nationaliste montante…et s’il aime Satoko, il souhaite agir pour les valeurs qu’il défend autant que pour son bonheur…conflit entre trahison politique et lien conjugal, entre l’histoire en marche et les sentiments les plus secrets…mais leurs retrouvailles amoureuses se feront autour d’une mission digne d’un roman d’espionnage…Comment faire sortir du pays les documents ramenés de Mandchourie pour alerter l’opinion internationale et provoquer l’entrée en guerre du bloc occidental contre le Japon ? Le couple Fukuhara élabore un plan complexe dont le spectateur sait – recul historique oblige – qu’il est forcément voué à l’échec. Reste le fond de l’histoire, sujet tabou et peu documenté dans un pays qui n’aime pas revenir sur son passé, et si Hamaguchi et Kurosawa ont pris quelques libertés avec l’Histoire, qu’importe…Il y a du Hitchcock chez Kurosawa…Une référence !!!