Alexandra Pianelli a commencé à travailler dans le kiosque de sa mère pour l’aider. Elle y est finalement restée six ans : « Ironie du sort : après dix ans d’écoles d’art, je suis donc devenue marchande de journaux ! » Afin de continuer à gagner sa vie tout en se consacrant à sa passion, elle a eu l’idée de faire un film sur son job alimentaire : « Un film où l’on me voit doublement à l’œuvre : plasticienne et vendeuse de journaux. Le kiosque est donc devenu mon nouvel atelier, un nouveau laboratoire avec comme seuls outils : du papier et mon téléphone. »
Le kiosque est témoin de l’histoire de la famille de la réalisatrice sur quatre générations. Sa déconstruction a été un déchirement pour Alexandra Pianelli et son entourage. Le documentaire est une manière de garder une trace de lui : « Ce film est une déclaration d’amour à toutes ces personnes rencontrées. Malheureusement pour beaucoup disparues aujourd’hui. »
La réalisatrice décrit son film comme « un huis clos tourné au téléphone portable depuis la caisse. » Elle ajoute : « Un film d’immersion, où l’on verrait à travers mes yeux. Montrer l’envers du décor, les ficelles (de métier, de fabrication d’un film) est une chose que j’ai tendance à faire souvent. J’ai, d’ailleurs, toujours eu un grand intérêt pour les bonus DVD, parfois plus que pour les films eux-mêmes… »
Il a fallu dix ans au Kiosque pour voir le jour : six ans de tournage par intermittence et quatre ans en production. Un parcours du combattant éprouvant pour la réalisatrice : « Au moment du montage, en 2018, j’étais déjà épuisée ! Je venais de passer trois ans à écrire des dossiers pour tenter de financer ce projet et changer de boite de production ; lorsqu’on a enfin réussi à rassembler l’argent nécessaire pour mettre le film en production, la monteuse initialement pressentie pour le film n’était plus disponible ! C’est l’argent qui détermine quand on peut travailler (ou pas), qui distend le temps… et cette réalité a été la plus difficile à gérer ! »
Alexandra Pianelli redoutait l’étape du montage car elle ignorait comment articuler ses images tournées à l’iPhone et si elles seraient suffisamment de bonne qualité pour passer sur grand écran. Elle qualifie sa collaboration avec Léa Chatauret de « parfaite » : « J’arrivais avec des idées, parfois même de nouvelles images (lorsqu’il en manquait) et Léa structurait ce joyeux chaos en ne perdant jamais de vue notre trame narrative. »
Alexandra Pianelli déplore de n’avoir pas pu conserver certaines séquences au montage. « Je regrette de n’avoir pas pu faire exister des personnes tant aimées : des clients ou des proches. Les membres de notre équipe notamment. Loïc qu’on aperçoit peu et Pierre, notre compagnon et collègue, qui est décédé pendant le tournage. Il figure cependant dans mes dessins et sur l’affiche du film. » Elle regrette également de n’avoir pas pu jouer avec les divers formats et résolutions des images comme elle l’avait prévu, afin de témoigner du temps qui passe, mais la multitude des images l’a forcée à lisser les formats et les textures. « Grâce à cela, et même s’il semble du coup être filmé sur une seule année, le film a gagné en clarté ! », reconnaît-elle.
Afin de rendre compte de l’exiguïté du kiosque, tout en menant à bien son métier de vendeuse et en réussissant à tenir le spectateur pendant une heure vingt sans l’ennuyer, la réalisatrice a opté pour une caméra embarquée. Filmer au téléphone portable lui permettait de saisir au vol des images tout en évitant d’effrayer les clients avec un gros dispositif technique qui encombrerait son espace de travail. « Ce dispositif a bien sûr ses limites techniques : mise au point automatique, images « amateur » (mal exposées, pixélisées, tremblantes etc). Mais, l’esthétique brute du film « en train de se faire » participe aussi au parti pris de faire un film seule, bricolé. »