Lui : les secrets du tournage

Stoppé en mars 2020 en pleine préparation d’Astérix et Obélix – L’Empire du milieu, qu’il met en scène et dont il interprète l’un des rôles principaux, Guillaume Canet a ressenti le besoin de se consacrer à un nouveau projet : « J’ai commencé à taper trois lettres sur mon ordinateur : L.U.I. À partir de là, matin après matin, je me suis surpris à écrire des scènes autour de ce personnage ; je les rédigeais d’un trait, sans véritable réflexion, sans logique, je n’avais aucune idée d’une quelconque construction narrative. » Il n'imaginait cependant pas que cela deviendrait un film.

Lors de l’écriture du scénario, Guillaume Canet en a lu des passages à sa compagne, l’actrice Marion Cotillard. Celle-ci a fait le rapprochement avec le poème La Maison d’hôte de Rumi, un auteur perse du XIIIème siècle. Le voici : « Cet être humain est une maison d’hôte/ Chaque matin, une nouvelle arrivée. Une joie, une déprime, une mesquinerie/ Un moment de peine qui arrive comme un visiteur inattendu/ Accueillez-les tous, même s’ils sont une foule de douleurs qui balaient violemment votre maison, la vide de ses meubles/ Quoiqu’il en soit, traitez toujours chaque invité honorablement/ Ils pourraient vous débarrasser et vous épurer pour une nouvelle joie/ Les pensées sombres, la honte, la méchanceté, allez à leur rencontre sur le pas de la porte en riant et invitez-les à rentrer/ Soyez reconnaissant de celui qui vient parce que chacun a été envoyé comme guide venu d’ailleurs. »

Guillaume Canet a entrepris l’écriture de Lui comme un exercice d’écriture automatique qui l’a libéré : « Je n’étais pas dépressif mais, comme la plupart d’entre nous, durant le premier confinement, je me suis obligé à un travail d’introspection. Et ce travail m’a fait mettre le doigt sur une pulsion qui m’handicapait et me boostait à la fois depuis toujours. C’était comme si une force inconnue me poussait à me noyer sans cesse dans le travail en m’interdisant de me poser, à ne voir que le négatif des choses en altérant mon humeur… Bref, comme si quelque chose en moi s’ingéniait à m’empêcher d’avancer. » Il ajoute : « J’avais besoin d’avancer, de passer à autre chose, besoin d’une nouvelle vie. Cela bouillonnait à l’intérieur, je ne pouvais plus retenir ce que j’avais écrit ou ce serait devenu insupportable. »

Bien que Lui ne soit pas autobiographique, Guillaume Canet affirme que c’est son film le plus personnel et s’est inspiré d’éléments vécus. Il a, à l’instar de son personnage, grandi avec la conviction d’avoir déclenché la maladie de son père, victime d’un infarctus, quand il avait dix ans. « Et comme lui, je me pose quotidiennement des questions sur ce que c’est qu’être un bon père, comment fait-on pour en être un ? On aimerait que nos enfants ne grandissent pas trop vite et, en même temps, on voudrait qu’ils mûrissent plus rapidement, on se sent démuni… »

Lui a été écrit en trois semaines, tourné en quatre, avec un budget réduit, peu de comédiens et un seul décor, tout ceci pour une durée d’1h29, bien plus courte que les précédentes réalisations de Guillaume Canet : « Il y a longtemps que j’avais envie de réaliser un petit film, concis, synthétique, cash ».

Après avoir envisagé plusieurs îles, comme l’île de Houat et Hœdic, le réalisateur a trouvé le décor de son film à Belle-Ile-en Mer : « c’était un sémaphore à flanc de falaise, à la fois magnifique et inquiétant. L’ambiguïté de l’île me plaisait : aride, tumultueuse et dangereuse d’un côté ; douce et à l’abri du vent, de l’autre. »

Lui a été tourné avec une partie de l’équipe d’Astérix et Obélix – L’Empire du milieu, qui était alors en stand-by. Pour Guillaume Canet, c’était une manière de se rencontrer et de mieux se connaître, comme une sorte de répétition.

Guillaume Canet reconnaît s’être nourri du cinéma de Bertrand Blier : « Difficile, en regardant la séquence des trois au lit de ne pas reconnaître son influence. Consciemment ou inconsciemment, Tenue de soirée m’a sans doute influencé. Mais tout Blier m’influence. J’ai adoré tous ses films. »

Fait peu commun, Alexandre Desplat a écrit le thème du film non pas après la fin du tournage mais en amont de celui-ci. Il a dû non seulement créer le morceau en une semaine mais également apprendre à Guillaume Canet à le jouer au piano.