L'histoire de Any Day Now est proche de ce qu'a vécu Hamy Ramezan. Lorsque ce dernier avait sept ans, il a fui avec sa famille la guerre Iran-Iraq. Le metteur en scène se rappelle :
"Je me souviens encore de l’excitation ressentie, j’avais soif d’aventures. C’est comme si c’était hier ; le désespoir de ne pas réussir à retenir mon faux nom turc et notre histoire familiale inventée de toutes pièces – une histoire que mon père et son frère ont écrite pour que tout le monde la retienne."
"Mes parents ont dû être honnêtes avec nous, ils nous ont dit qu’on risquait la pendaison en cas d’échec. C’est ce qui nous a rapprochés en tant que famille, on formait une équipe très soudée, et ça m’a donné confiance en moi. Je jouais bien mon rôle, et tant mieux car notre réussite en dépendait."
"J’ai appris tellement de faux noms et de mensonges que j’en suis encore là aujourd’hui, à écrire des fictions. On a réussi à s’échapper, mais l’obstacle suivant consistait à aller dans un pays où nos mensonges allaient être analysés. « Le mensonge peut être une excellente chose », disait mon oncle à mon père."
"Maintenant je sais pourquoi. La vérité peut être si terrible que de toute façon personne ne nous croirait. Les épreuves ont une fin et finalement, nous étions en Finlande. Mon premier souvenir se situe à l’aéroport Helsinki-Vantaa. Nous avons été chaleureusement accueillis par des sourires et des fleurs."
"Après un court trajet, nous sommes arrivés dans un endroit qui allait devenir notre chez-nous : Malmi. Je n’étais pas très enthousiaste au début, à l’époque on était loin du paradis sur terre, mais ça a beaucoup changé depuis. Nous avions finalement une nouvelle maison."
"Un sentiment étrange : d’un côté une situation absurde et irréelle disparaissait comme si elle n’avait jamais existé, de l’autre nous étions « chez nous » comme si de rien n’était. À ce jour j’ai encore du mal à comprendre, je ne sais plus quelle partie de ma vie était la bonne."
"Celle qui a disparu comme si plus rien ne comptait, ou celle qui a débarqué de nulle part pour nous dire que là c’était notre maison, et que ça avait toujours été comme ça. Je me souviens encore du bureau où je passais la majeure partie de mon temps pour travailler mon finnois."
"Les gens avaient coutume de dire que c’était une langue difficile à apprendre. En à peine 6 mois, je le parlais avec un accent mais avec tellement d’aplomb : je traduisais la série télévisée « Amour, Gloire et Beauté » à mes parents tous les jours."
"Je me souviens aussi du motel où nous étions logés à Belgrade, dans des appartements d’à peine 9 mètres carrés. Nos parents y faisaient beaucoup la fête. J’avais du mal à croire que 8 ou 9 personnes pouvaient danser dans 9 mètres carrés."
Any Day Now traite de sujets complexes avec des personnages qui le sont tout autant. Pour Hamy Ramezan, il était très difficile de concilier faits réels et fiction. Avec le problème des réfugiés qui devenait de plus en plus criant, le cinéaste n’a eu d’autre choix que d’entrer dans ce débat politique :
"Je ne pouvais pas prétendre trouver l’équilibre entre l’art et la vérité. Impossible d’être totalement objectif, c’était un vrai challenge de décider ce qui devait être fidèle à la réalité et ce qui devait être romancé. J’ai essayé de partager ma vérité, mais je me suis rendu compte que le cinéma ne marchait pas comme ça."
"Le cinéma exige la vérité mais la réalité cinématographique est loin de la réalité. On ne peut pas raconter sa vie scène après scène et prétendre dire la vérité. Le cinéma est un monde à part qui obéit à ses propres règles. Le film aborde les faits, il est émotionnellement et cinématographiquement proche de la réalité."
Hamy Ramezan est un réalisateur et scénariste finno-iranien. Après avoir fui les persécutions en Iran, puis survécu aux camps de réfugiés yougoslaves, le jeune Hamy Ramezan et sa famille sont arrivés en Finlande en 1990. Diplômé de l’école de cinéma UCA (Franham) en 2007, il a depuis réalisé plusieurs court-métrages. Son court-métrage « Listen » (2015) a été projeté en avant-première à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, puis présenté dans près de 200 festivals, et nominé aux Prix du Cinéma Européen. Any Day Now est son premier long métrage.
Trouver les interprètes de la famille Mehdipour a constitué le principal défi pour Hamy Ramezan. Ce dernier avait, à l'origine, une personne en tête, son père :
"Pas pour lui donner le rôle, mais je l’avais en tête, lui en plus jeune. Après un mois ou deux, d’un coup, son visage s’est effacé. Tout ce qu’il faisait, tout ce qu’il était prenait la forme de l’acteur Shahab Hosseini : son rire, ses blagues, sa façon de nous protéger avec humour – ce n’était plus mon père, c’était Shahab Hosseini-Bahman. Ça a planté le décor et montré la voie pour le reste du casting."
"J’ai ensuite essayé de trouvé la mère – ayant trouvé le père, je cherchais sa femme et la mère de ses enfants. Nos consignes pour le casting n’étaient pas très compliquées ; on a demandé aux acteurs de ne pas verser dans le désespoir, peu importe le texte qu’ils avaient à jouer. Trouver la famille était très important pour le casting, mais au final quelqu’un qui arrivait à nous faire sourire avait fait 90 % du boulot."
L'acteur le plus dur à trouver a été celui qui allait jouer le jeune Ramin. Hamy Ramezan n'avait pas spécialement de feeling par rapport à ce personnage et devait trouver quelqu’un d’attachant qui soit également capable de jouer.
"Ce n’est pas tout. Il fallait aussi parler farsi avec le bon accent et aussi finnois. Nous avons publié des pubs sur Facebook ciblant des finno-iraniens. Nous avons aussi envoyé une carte postale aux familles parlant les deux langues. On a atteint tous les candidats possibles, j’en ai rencontré une trentaine et la sélection s’est faite sans difficulté. Aran n’avait pas un caractère facile mais c’était une star en puissance."
Il n’y a pas de racisme frontal ou de xénophobie dans le film. Dans son propre parcours, Hamy Ramezan se rappelle en effet avoir croisé beaucoup de personnes qui l'ont aidé.
"Il y a tout de même eu des expériences négatives mais les bons souvenirs reviennent toujours. Nous avons rencontré une chouette famille qui nous a beaucoup aidés. Nous ne connaissions pas ces gens, mais ils nous ont hébergés et nous ont aidés à organiser une « évasion » d’Istanbul complètement insensée. Grâce à eux, nous avons survécu à Istanbul. Nous avons vécu une aventure similaire en ex-Yougoslavie. Je ne suis pas naïf, bien sûr qu’il y a des gens mauvais, mais il y a encore plus de gens pleins de bonnes intentions. Comme la plupart des Finlandais sont bons envers les demandeurs d’asile, j’ai dressé d’eux un portrait bienveillant et sympathique."