Gaël Lépingle a grandi dans l’agglomération orléanaise, d’où il voyait la fumée des tours de refroidissement de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, où s’est déroulé en 1980 le plus grave accident nucléaire en France. « J’étais très jeune, et je m’étonnais que ce qui fabriquait le paysage de façon aussi rassurante et imposante (l’électricité, le génie humain) pouvait se retourner contre l’homme. Plus tard j’ai eu des amis qui habitaient tout proche de la centrale, et je me suis souvent demandé : qu’est-ce qui se passerait s’il y avait un problème ? »
Le réalisateur a choisi de tourner en scope et en 35 mm pour « impressionner le vide ». Il précise : « Les grandes plaines de Champagne, où se trouve la centrale de Nogent-sur-Seine, se caractérisent par leur aspect vallonné et la monoculture sur des étendues gigantesques, sans habitations, avec ces grands ciels qui sont à la fois beaux et menaçants. Plastiquement ça fait penser au cinéma américain à cause du gigantisme, mais c’est en France, on n’a rien triché ! » Il s’agissait de faire surgir une menace du réel le plus banal.
L’Été nucléaire met en scène des personnages jeunes afin de souligner davantage les effets de la catastrophe, comme l’explique le réalisateur : « C’est à l’âge où l’on s’élance, où l’on se projette avec le plus d’intensité vers sa vie d’adulte, que le coup d’arrêt – soudain le futur ne sera plus jamais tel qu’on l’avait imaginé - est le plus cruel. On l’a vu avec la Covid et ses répercussions sur les jeunes et étudiants. Et en même temps la situation les hisse à un autre niveau, leur vie devient un destin. Il y a une forme de romanesque dans ces vies à peine commencées que déjà confrontées à leur propre effondrement. »
La plupart des comédiens de L’Été nucléaire ont fait leur preuve à la télévision. On a ainsi pu voir Théo Augier dans Les Grands et Mytho, Carmen Kassovitz dans Stalk et Constantin Vidal dans Mental. À l’inverse, le rôle principal, Shaïn Boumedine, avait jusque-là principalement tourné au cinéma, notamment sous la direction d’Abdellatif Kechiche. « Cette différence rejoignait celle de son personnage vis-à-vis de ses anciens camarades, puisqu’il ne fait plus partie du groupe tout en voulant retrouver sa place de leader, il y a des frictions, et ça frotte aussi au niveau du jeu entre eux, je trouvais ça intéressant », rapporte le réalisateur.
Avec ce film, le réalisateur souhaite souligner les risques liés au nucléaire, un sujet finalement rarement traité dans le cinéma français : « Ce n’est pas un sujet anodin. Je n’ai pas voulu faire un film apocalyptique de plus, mais montrer les dangers déments d’une industrie qui fait partie de notre histoire, et presque de notre identité. »