Paradis : les secrets du tournage

C'est sur le tournage de son précédent film, Le Fils, à l'été 2016, qu'Alexander Abaturov a eu l'idée de Paradis. Il filmait une scène de rituel du solstice d’été, avec un grand feu. Il lui a fallu cependant plusieurs années de recherches et de réécritures avant de se lancer : "J’ai préparé pendant longtemps ce film qui mijotait, mutait, se transformait dans ma tête. Mon idée de départ n’avait rien de très précis, mais je savais que je voulais parler des incendies et des feux de forêt sous leur forme extrême. Ce qui m’intéressait n’était pas tant de filmer des pompiers professionnels que de raconter l’histoire de gens ordinaires luttant contre les feux de forêt."

En 2019 et 2020, le réalisateur a fait des repérages en Sibérie ; le tournage en lui-même a eu lieu l’année suivante. Il s'est rendu en Sibérie, en Yakoutie, malgré les différents confinements et la pandémie. "Ça n’a pas été facile, car les restrictions liées au COVID-19 étaient encore en vigueur, mais nous avons réussi à faire le voyage et nous sommes restés à Shologon pendant 4 semaines environ."

Le feu de forêt étant imprévisible, l'équipe a défini un secteur très large touché par la sécheresse et la canicule et a décidé de se concentrer sur un petit village pour y chercher des personnalités intéressantes et y suivre les événements. En s'entretenant avec une journaliste locale, Alexander Abaturov a découvert Shologon : "Plusieurs villages étaient menacés par les incendies, mais je n’étais pas en quête de la zone la plus exposée au danger. Ce qui m’intéressait, c’était l’endroit lui-même. Sa description de Shologon m’a intrigué : elle m’a raconté que c’était le plus petit village de la région, que la route n’allait pas plus loin. On y trouve aussi bien des personnes âgées que des jeunes qui se teignent les cheveux. L’ambiance y est ancestrale, avec un goût d’éternité, et en même temps il a une dimension très futuriste."

"Je voulais éviter de me montrer trop explicite dans ma représentation d’un feu de forêt. Je ne souhaitais pas verser dans le sensationnalisme en recourant trop souvent aux images dramatiques d’un incendie géant – bien qu’elles ne soient pas complètement absentes du film. Ce qui m’aiguillonnait, c’était de créer la présence du feu, le sentiment d’une menace grondant derrière la fumée, toujours plus proche. Quand on sait qu’il est là, qu’on le sent, mais qu’on ne perçoit pas encore l’immensité des flammes dans leur totalité", explique Alexander Abaturov.

Le réalisateur a choisi de ne pas utiliser de musique traditionnelle yakoute ni de chant de gorge. Il a privilégié les tambours et les instruments à percussion en travaillant avec les musiciens des Percussions de Strasbourg : "Sans vouloir trop en révéler, je peux vous dire qu’en frottant des instruments d’une certaine manière, on obtient une vibration, un grondement des membranes. Ces effets sonores sont presque aussi imprévisibles que les feux de forêt eux-mêmes. Avec ces vibrations des membranes des tambours, nous voulions évoquer quelque chose de physique."