Pourquoi ce film ne m'a-t-il pas enthousiasmé ? J'aime les films noirs, j'ai adoré au moins un autre film de Preminger (Autopsie d'un meurtre), il y avait donc peu de chance pour que je reste froid à ce film que beaucoup disent être le meilleur du genre. Mais je n'ai pas accroché. La faute en incombe surtout aux personnages, qui ne m'ont pas intéressé une seconde. Laura est certes jolie (Gene Tierney), mais son caractère est terriblement lisse. Les vignettes en flashbacks qui la présentent m'ont donné l'impression d'avoir affaire à une sorte de vitrine pour la promotion de la working-girl des années 50, entre petit arrivisme et dîners mondains. J'ai trouvé sa soumission ambiguë à la figure paternelle de Lydecker répugnante. Le personnage de Lydecker n'est pas mieux, un cynique mesquin et possessif, sans envergure et sans humour. L'amant, j'ai oublié son nom, est fat et légèrement stupide. Le détective est terne à en mourir. Evidemment tous ces personnages ne sont pas censés être sympathiques, mais je n'ai rien trouvé à me mettre sous le dent pour m'intéresser à leur destin. Heureusement, c'est Preminger qui réalise, ce qui donne de belles scènes. Seule la fin du film, lorsque chacun se révèle dans sa vérité, est vraiment excitante et réussie.
Laura est un film "noir" des années 40, avec cette ambiance particulière des films thriller américains de ces années là. Les femmes sont minces, belles et élégantes. Les hommes portent toujours chapeau et costume, même en tenue "relax". Les personnages trouvent naturel de boire du whisky le matin. Plus sérieusement, à voir et revoir, pour l'intrigue et pour la beauté rayonnante de Gene Tierney.
Admiration pour l'ingéniosité d'Otto Preminger et de son chef photo : ils créent un film assez subtil et onirique à partir d'un scénario très emberlificoté (que beaucoup ne cessent d'encenser, on sait !). Ce scénario me semble excessif et manquant singulièrement de finesse : les personnages sont caricaturaux (le pygmalion jaloux et manipulateur, le bellâtre désargenté, la femme riche et faible, l’héroïne si belle… et si lisse, le flic désabusé, la jetset newyorkaise superficielle), les scènes sont prévisibles (l’horloge-cache d’armes, on la voit venir de loin !) quand elles ne deviennent pas grotesques (Laura est assassinée… mais non, alléluia : son cadavre, bien qu’identifié par des proches, se révèle être celui d’une autre femme). Malgré ce scénario grandiloquent -donc faiblard- c’est avec un grand intérêt que j’ai regardé ce film, mais plutôt comme un entomologiste observant des insectes, leur déchirement, le craquement du vernis social. La confusion entre ‘amour’ et la séduction de l’image (d’une morte qui plus est !) est bien représentée, on peut cependant regretter la totale absence de distanciation de Preminger, voire sa fascination pour une confusion aussi malsaine. Belle réalisation, photographie somptueuse, cadrages raffinés.