Rares sont les malédictions à disposer d’une telle empreinte. Empreinte visuelle d’abord, car le film est magnifiquement mis en scène et compose ses plans avec subtilité ; nous passons comme par magie des films sataniques aux œuvres gothiques de la Hammer – la scène dans le cimetière peuplé de chiens démoniaques rappelle Le Chien des Baskerville, adapté par Terence Fisher –, les portraits et miroirs sont partout et pourtant demeurent discrets, de sorte à ne générer que lors de l’ultime sursaut une prise de conscience symbolique : là, dans le reflet, se tient la mort, la souffrance, le destin déjà tracé et annoncé par l’envers. Envers révélé par la chambre noire, la contre-religion, l’Antéchrist. Chaque protagoniste trouve un double avec lequel il finira par fusionner. Empreinte dramatique ensuite, puisque nous voyageons de l’Italie à l’Angleterre, de l’Angleterre à l’Italie ou à Jérusalem dans une même trajectoire qui n’est autre que la quête des origines du Mal. Le mouvement est essentiellement masculin, le père étant ambassadeur – fonction ô combien ironique : il sera l’ambassadeur du Diable sur Terre – et nouveau pilier d’une famille endolorie jusqu’alors par la stérilité. Nous avons sous les yeux le drame de la paternité contemporaine : devenu père trop tard, Robert Thorn peine à interagir avec un fils de substitution qui viendra, tel un Œdipe contemporain, à s’émanciper de ses figures parentales pour s’affirmer pleinement. Car la relation entretenue par le fils avec la mère adoptive sonne particulièrement malsaine – scène avec les babouins, chute depuis le premier étage –, impression renforcée par la diabolique nourrice, sorte de Mary Poppins inversée, sataniste. Empreinte sonore enfin, parce qu’il serait impossible de critiquer l’œuvre sans évoquer la composition musicale de Jerry Goldsmith qui révolutionne pleinement la musique de film d’horreur, insérant dans une orchestration agitée des chœurs grégoriens et maléfiques pour un effet de terreur sourde qui reste en tête après le visionnage. The Omen constitue une divine malédiction, certainement le meilleur film de son réalisateur Richard Donner et l’un des films d’épouvante les plus marquants. Chef-d’œuvre.