Guillermo Del Toro s'est fait un nom suite à ses derniers titres...en pleine ascension avec Blade 2 qui lui ouvre des possibilités budgétaires plus importantes, il culmine avec le Labyrinthe de Pan, film tortueux qui s'impose comme une approche innovante et terrifiante du fantastique. Mais il a eu ses débuts, qui trempent aussi dans le fantastique, et qui lorgnent vers le cinéma de Cronemberg. Cronos est son premier long métrage, et déjà on peut observer les prémices du talent virtuose de Del Toro. Des plans longs qui englobent une bonne partie du décors, mais juste ce qu'il faut pour créer une image qui colle parfaitement avec ce que Del Toro veut nous faire ressentir. Certes, Cronos ne bénéficie pas de l'excellente photographie qui mâtine Blade 2, mais c'est tout de même très prometteur. Et puis c'est une histoire originale que Del Toro met en scène, relativement inédite au sein du petit univers des vampires au cinoche. Cronos n'a rien d'un film d'action, ce n'est pas non plus un film d'horreur, malgré une poignée d'images bien gore qui ne sont pas présentes pour dégoûter le spectateur mais pour refléter les penchants esthétiques du film. C'est une variation intelligente du mythe vampirique, où ce dernier n'est qu'approché de loin, titillé sans jamais être réellement mis en avant, car le thème principal est l'immortalité, celui du vampire est un moyen d'étude. Cronos est souvent très drôle, offrant quelques plans très ironiques du monstre (je repense encore à cet instant dingue où Frederico Luppi en train de lécher timidement, à quatre pattes, une trace de fluide vital laissée par un homme pris d'un saignement de nez), et se permettant d'insérer des personnages barrés comme un oncle dément et un neveu rustre, pulsionnel et complètement idiot (presque tout droit sorti de l'Ile du Docteur Moreau), incarné par l'inénarrable Ron Perlman, sans oublier le croque mort, je l'adore celui là ! Cependant Del Toro tente de glisser du sentimentalisme à côté, au mieux ce sera banal et sans incidence (la relation entre Jesus Gris et sa femme), au pire (et malheureusement c'est majoritairement le cas) c'est ridicule et excessif. Le gars est à côté de ses pompes quand il filme une fillette qui n'a peur de rien, qui comprend tout les besoins de son grand père sans parole, qui est toujours là pour l'aider comme un ange gardien silencieux. Finalement c'est (involontairement) aussi marrant que la relation entre Dieter de la Guardia et Angel de la Guardia. Excepté le final, poignant, quoique si l'on est spectateur cynique ça ne prendra pas davantage que le reste. Ce qui compte c'est que le film s'arrête pile au bon moment, la controverse de la vie éternelle étant résolue, il n'est guère nécessaire de s'attarder dans le détail sur la destinée des protagonistes qui repose du coup entre les mains du spectateur. Un premier pas assez impressionnant pour un réalisateur toujours plus en vogue.