Les premiers films de Waters ne sont pas recommandés au tout public, et c’est aussi le cas de ce Female Trouble, qui reste peut-être le moins trash du lot, en tout cas sur le plan formel.
En fait, et à l’instar de Pink Flamingos, ce n’est pas très simple de noter ce Female Trouble. En effet, Waters fait quelque chose d’éminemment excessif et différent, mais comme d’autres, à trop se concentrer là-dessus il en délaisse sa qualité narrative, et ne construit pas ses personnages. Ces derniers sont finalement tous interchangeables. Mauvais jusqu’au bout des ongles ou presque (un peu moins la naïve Mink Stole, mais enfin, physiquement elle n’est pas gâtée, comme les autres !), ils sont tous des portraits outrés, exagérés, mais tous dans le même sens laids et méchants. Finalement on a une mince compact d’où n’émerge guère de singularité, et du coup je dois dire que je ne me suis pas vraiment passionné par certains passages. J’ai eu le sentiment que Waters est allé au plus simple, en disant « rendons trash tous les personnages, pas besoin de se casser la tête ».
C’est aussi le souci de l’histoire. Elle accumule aussi tout les excès possibles, mais au bout d’un moment la lassitude pointe. Franchement il y a des passages interminables (le dernier quart d’heure par exemple), et niveau narration, sens du récit, fluidité du propos, Female Trouble est souvent chaotique. Waters a voulu faire un délire outrancier, ok, mais sur 1 heure 30 si vous ne mettez pas quelques enjeux, et si vous vous montrez trop brouillon, à un moment donné c’est agaçant. Après, c’est vrai, il y a des passages d’humour noir bienvenus, et le film a un ton original qui plaira aux amateurs. Waters est toujours imaginatif, mais c’est vrai qu’il y a des essoufflements ici, peut-être davantage que dans Pink Flamingos.
Formellement ce n’est pas nul. Avec un budget ric-rac, Waters sait faire du bon travail, avec une mise en scène convaincante, une photographie un peu granuleuse qui apporte un charme certain au métrage, autant que le travail sur les couleurs toujours très intelligent chez Waters. Je salue aussi une bande son bien dans le ton du film, pas forcément très marquante, mais réussie. En somme, John Waters montre encore une belle créativité et un sens de la débrouillardise certain.
Et niveau interprétation il s’entoure de ses vedettes habituelles. Excellente prestation outrancière de Divine qui crève l’écran et casse la baraque en étant déchainée. Autour d’elle, des seconds rôles pas forcément plus calmes ! Lochary est cependant plus en retrait, tandis que Vivian Pearce et surtout Edith Massey sont en délire total. A souligner que Mink Stole hérite du personnage sans doute le plus singulier du film, puisque c’est peut-être la seule qui n’est pas aussi tranché et caricatural que les autres. Le film la délaisse un peu, si ce n’est dans la quête de son père (forcément ignoble !), c’est un poil dommage, il y avait de quoi construire un contraste intéressant avec le personnage de Divine.
Bon, vous l’aurez compris, Female Trouble est avant tout un film excessif, dont l’essentiel de la saveur et de l’intérêt passe dans le jusqu’au-boutisme de John Waters. Pour le reste je n’ai pas spécialement était convaincu, voyant cela davantage comme un exercice de style et iconoclaste. 2.5