André Bazin n'avait pas tort lorsqu'il disait qu'«A nous la liberté» (France, 1931) de René Clair s'était rapproché du degré de perfection de «Citizen Kane» (USA, 1941) d'Orson Welles. Déployant le thème de la montée en puissance d'un individu, le film de Clair est néanmoins évoqué de façon bien plus comique et légère. Film témoin du Front Populaire, contrairement à «Le crime de Monsieur Lange» (France, 1936) de Jean Renoir, l'oeuvre de Claire juge pas, ne se pose pas en propagande mais en simple témoin (bien qu'elle vante les mérites de ce socialisme politique). Film hybride dans son genre, entre comédie musicale et comédie, «A nous la liberté» possède la mécanique d'un Chaplin, le lyrisme du réalisme poétique français et la photographie parfaite d'un grand film. Deux prisonniers, chantant les louanges d'une liberté perdue, aspirent à s'échapper. Mais seul l'un d'entre eux réussira. Jusqu'à ce que le second réussisse son échappée, le premier deviendra riche en montant une usine de fabrication de phonographes. «A nous la liberté» approche aussi la question de la technique et du fordisme, Clair illustre d'ailleurs le travail à la chaîne comme le fît Chaplin, de manière plus approfondie peut-être. Lorsque se retrouveront les deux, la liesse s'emballera, le monde viendra se perturber, comme s'il était nécessaire aux deux amis de retrouver une liberté sans faille. Car comme l'insinue le titre, la conviction de l'oeuvre est de croire à la licence. Être libre c'est pouvoir tout faire, errer comme des âmes rabelaisiennes et c'est en ceci que le film de Clair se trompe. Est-ce vraiment ceci la liberté ? L'erreur provient sûrement de la joie libertaire qu'engendraient les réformes de l'Etat de 1931. Cependant «A nous la liberté» possède un tel charme plastique, une telle maîtrise technique, tant visuelle que sonore et les acteurs, Paul Ollivier et Raymond Cordy incarnent si justement la joie du film qu'«A nous la liberté» ne peut être qu'un chef d'oeuvre.