Lorsque, chaque 6 juin, on fête l’anniversaire du débarquement allié en Normandie, on oublie trop souvent qu’à la date du 6 juin 1944, la 2ème guerre mondiale n’était pas encore terminée et que, jusqu’au 8 mai 1945, date de la capitulation de l’Allemagne, et même jusqu’au 2 septembre 1945, date de la capitulation du Japon, les combats se sont poursuivis et le nombre des victimes a continué de croitre. Même si, avec le recul, on peut penser que, dès la deuxième moitié de 1944, la défaite de l’Allemagne était inéluctable, il n’empêche qu’Hitler croyait toujours en la victoire et les forces armées germaniques continuaient de s’opposer à l’avancée des forces alliées dans le territoire allemand. Autre donnée, l’après guerre commençait à se dessiner et, bien qu’alliés, les américains et les soviétiques n’en avaient pas la même conception. Dans ce contexte, arriver les premiers à Berlin était un enjeu important ! Après la bataille des Ardennes, les troupes alliées étaient toujours contenues à l’ouest du Rhin. La traversée du fleuve était cruciale pour les américains et le pont Ludendorff, au niveau de la ville de Remagen, à quelques kilomètres en amont de Bonn, était le dernier pont intact permettant de le franchir. C’est l’histoire de ce qui s’est passé autour de ce pont, au début du mois de mars 1945, que raconte avec une certaine fidélité le film de John Guillermin.
Le Pont de Remagen est un film de guerre américain, et, à ce titre, il présente certains défauts malheureusement habituels dans ce genre de production, comme le fait qu’allemands et américains s’expriment dans la même langue (devinez laquelle !). Par contre, sur plusieurs points, il est différent de la grande majorité des productions appartenant à cette famille particulière. Il faut dire que John Guillermin, le réalisateur, n’était pas américain, il était britannique. Un britannique un peu particulier, en plus, car s’il était né et avait été élevé en Angleterre, ses parents étaient français : comme il le dit lui-même, « I have a British passport but actually I’m a bloody Frog », « J’ai un passeport britannique mais, en fait, je suis un foutu français » ! On a donc droit, avec lui, à la peinture d’une guerre dans laquelle les belligérants, d’un côté comme de l’autre, sont au bout du rouleau, dans laquelle les plus hauts gradés, d’un côté comme de l’autre, sont souvent montrés comme incompétents et bornés, dans laquelle des actes qui seraient montrés comme étant héroïques dans d’autres films sont montrés ici comme inutiles et/ou stupides, et, également, à une peinture beaucoup moins manichéenne que d’habitude de ce qui se passe côté allemand et côté américain. C’est ainsi que, côté allemand, le film montre le conseiller chargé de la défense civile de Remagen considérer que Hitler a été une tragédie pour l’Allemagne alors que, côté américain, on est témoin du comportement d’un sergent, par ailleurs fort sympathique, dont le passe temps favori consiste à détrousser les cadavres.