Huitième film de Gregg Araki, Mysterious Skin raconte l'histoire de deux adolescents qui ont grandi à Hutchinson, petite bourgade du Kansas. Tous deux y ont connu des trajectoires différentes : l'été de ses 8 ans, Neil McCormick (Joseph Gordon-Levitt) se fait sexuellement abuser par l’entraîneur de l'équipe junior de base-ball dont il fait partie.
Pour sa part, le même été, Brian Lackey (Brady Corbet) est retrouvé par sa sœur dans une cave sans qu'il sache comment il s'est retrouvé là. Cet incident se reproduit quelques mois plus tard lors de la fête Halloween. Depuis ces deux « amnésies passagères », il est régulièrement victime de saignements de nez et d'évanouissements soudains. Il fini par être persuadé que ces « absences » de mémoire sont le fruit d'une rencontre avec des extra-terrestres.
La recherche de son passé vont l'amener à recroiser la route de Neil McCormick qui est depuis parti vivre à New York, et qui se prostitue avec des hommes plus âgés que lui, parfois au péril de son intégrité physique.
Mysterious Skin est un film surprenant : en effet, le parti pris par Gregg Araki est d'aborder des pratiques et sujets tabous comme la pédophilie, la prostitution des jeunes, la transmission des MST, ou encore la violence sexuelle et de les retransmettre à l'écran de façon extrêmement crue. Ici, tout est montré, sans concessions, et cela débouche sur des scènes d'une rare dureté, qui sont parfois à la limite du soutenable.
Mais la particularité de ce film, c'est que cette dureté est contrebalancée par une mise en scène hypnotique de ces vices, notamment lors des attouchement entre l’entraîneur et le jeune garçon. La musique planante et la lumière particulière donnée à l'image rendent quasi poétiques, voire « enfantins » des moments pourtant glaçants et extrêmement malsains. Ce côté dérangeant se retrouve également dans les réactions du jeune McCormick, qui à 8 ans accepte totalement les attouchement dont il est victime et va même jusqu'à les apprécier. Cela s'explique par des sentiments complexes qu'il éprouve pour son entraîneur, et un besoin d'être important à ses yeux, d'être « sa petite chose ». Les errances de McCormick vont se multiplier au fil du temps, et son impassibilité face aux situations dérangeantes ou violentes auxquelles il est confronté contraste énormément avec la naïveté de l'autre principal protagoniste du film. Toutefois, Brian Lackey va finir par découvrir l'effroyable vérité qui se cache derrière les pertes de mémoire de son enfance, et son innocence va finir par elle aussi s'envoler.
Le spectateur est rapidement pris aux tripes, et l'on doit cette immersion totale aux deux jeunes comédiens, notamment Joseph Gordon-Levitt qui prouve dans ce film qu'il est très talentueux. Il crève littéralement l'écran et offre une partition bien au dessus de ses récentes prestations (le triste Looper par exemple). Son alter-ego Brady Corbet est également excellent, et l'on ne peut que regretter ses rares apparitions au cinéma. Le reste du casting s'en tire avec les honneurs, avec une mention spéciale pour Chase Ellison (Neil McCormick enfant, très dérangeant) et l’entraîneur (Bill Sage), plus vrai que nature en pervers manipulateur.
Mysterious Skin est un film qui dénote dans l'univers « moralement correct » cher au cinéma américain. C'est un film que je déconseille aux âmes sensibles, et qui possède un côté hypnotique dont il est difficile de se défaire, malgré la grande dureté du propos. C'est un de ces films qui marquent le spectateur, qu'il adhère ou non au travail réalisé par Araki.